Etats-Unis. Juillet 2022. Un jeune homme de 20 ans se retrouve subitement paralysé. Le diagnostic est surprenant, inquiétant : poliomyélite. En Israël, depuis mars, neuf enfants ont été testés positifs, dont huit asymptomatiques. On la pensait éradiquée depuis une décennie, elle est réapparue dans les eaux usées de l'Etat de New-York, en Israël ou encore à Londres (Royaume-Uni) cet été (article en lien ci-dessous), laissant craindre un grand nombre de personnes infectées. Cette maladie extrêmement contagieuse provoquée par un virus qui envahit le système nerveux et peut entraîner en quelques heures une paralysie irréversible est bel et bien de retour en Occident. « Quelles solutions pour prévenir une nouvelle pandémie ? » Réponse dans la conférence-débat organisée par l'organisation humanitaire Rotary international, à la Maison de la recherche à Paris le 24 octobre 2022, dans le cadre de la journée mondiale de mobilisation citoyenne et du lancement de la campagne « En finir avec la polio » (replay disponible sur le site web dédié).
Seule option : la vaccination préventive
Potentiellement mortel, le poliovirus se transmet principalement par voie oro-fécale ou via de l'eau ou de la nourriture contaminées. Une personne infectée sur 200 présente une paralysie invalidante des membres inférieurs. Dans 20 à 30 % des cas, le virus franchit la barrière intestinale et passe dans le sang où il se multiplie. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), « 5 à 10 % des personnes atteintes de poliomyélite paralytique décèdent des suites d'une paralysie des muscles respiratoires ». Alors comment guérir de la polio ? « Il n'existe aucun remède », tranche Emmanuel Vidor, expert médical mondial de cette maladie au sein du laboratoire pharmaceutique Sanofi Pasteur. « Une fois que le virus a pénétré l'organisme, il est impossible de le détruire. La seule option réside dans la vaccination préventive », assure le Rotary international... A l'échelle planétaire !
Résurgence au Pakistan et en Afrique
En effet, « si, en 2018, une centaine de cas à peine était recensée dans le monde, depuis 2020 nous assistons à un rebond de foyers épidémiques au Pakistan, au Nigéria et en Afrique sub-saharienne », constate Maël Bessaud, chercheur spécialisé dans les poliovirus au sein de l'Institut Pasteur et directeur du Centre collaborateur de l'OMS pour les entérovirus. Plusieurs facteurs sont en cause, à commencer par « l'inaccessibilité et l'insécurité de certaines zones montagneuses pour les équipes vaccinales ou encore le refus des populations pour des motifs religieux, idéologiques ou liés à des rumeurs (le vaccin contiendrait du porc ou rendrait les femmes stériles, par exemple) », regrette-t-il. Le Covid-19 a également joué un rôle dans ces résurgences, entraînant une baisse de la couverture vaccinale liée à l'éloignement du milieu scolaire, les confinements, l'encombrement des hôpitaux et des structures de soins ainsi qu'un suivi individuel médical difficile. Près de 70 % des pays interrogés en 2021 par l'OMS ont, en effet, déclaré que les programmes génériques de vaccination avaient été perturbés par la pandémie de Coronavirus.
Bientôt 200 000 cas par an dans le Monde
« Tant que la polio ne sera pas complètement éradiquée, le risque de résurgence planera toujours sur les populations insuffisamment protégées et vaccinées », insiste Michel Zaffran, directeur de l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP) au sein de l'OMS de 2016 à 2021 et aujourd'hui coordinateur de la campagne « En finir avec la polio ». En l'absence d'action « urgente », l'IMEP estime que « nous pourrions assister à une recrudescence internationale, entraînant jusqu'à 200 000 nouveaux cas par an au cours de la prochaine décennie ». D'autant que, « la plupart des virus étant asymptomatiques, un cas peut cacher des centaines de personnes infectées », souligne Rotary international, recommandant une surveillance environnementale accrue. Rappelons que, jusqu'en 1985, un enfant était paralysé toutes les deux minutes et 350 000 cas par an étaient détectés dans 125 pays. Pour stopper sa propagation, à l'échelle locale, les autorités israéliennes, britanniques et américaines ont donc instauré dès l'été 2022 des campagnes de rattrapage vaccinal pour tous les enfants âgés de 1 à 9 ans.
Un vaccin « prometteur » en phase de test
A l'échelle mondiale, l'IMEP affirme avoir « réadapté son approche ». A l'issue du Sommet mondial pour la santé, le 18 octobre 2022, cet organisme a récolté 2,66 milliards d'euros dont une contribution annuelle de 50 millions d'euros du gouvernement français. Cette nouvelle levée de fonds vise notamment à soutenir la recherche scientifique et pharmaceutique pour produire le nouveau vaccin buccal monovalent polio 2 « plus stable génétiquement », selon Rotary international, qui pointe des « résultats prometteurs » depuis son déploiement en mars 2021. « 500 millions de doses ont été délivrées dans 23 pays (Afrique et Moyen-Orient). A ce jour, durant la phase test, aucun cas n'a été détecté dans 20 pays », précise-t-il. Autre défi majeur : assurer des prélèvements réguliers dans les zones à risque. « L'ampleur des dispositifs déployés nous permet d'envisager l'arrêt de la propagation du virus en 2023 à travers le monde et, après une phase de surveillance que nous estimons d'une durée de trois ans, confirmer son éradication définitive en 2026 », prévoit le Rotary international.
Une campagne digitale pour sensibiliser
L'organisation humanitaire affirme mobiliser les 32 000 membres des clubs rotariens européens francophones en organisant tout au long de l'année des opérations bénévoles solidaires en régions afin de collecter des fonds pour relever ce défi : expositions artistiques, concerts, rallyes, marathon des sables en 2023... En parallèle, il entend sensibiliser le plus grand nombre via sa campagne digitale « En finir avec la polio », diffusée sur le site web et les réseaux sociaux dédiés. Au programme : conférences, films institutionnels, messages de prévention ou encore clips humoristiques et pédagogiques mettant notamment en scène son parrain, l'acteur et scénariste Adda Abdelli. « Après avoir rencontré le virus en personne, il le questionne pour nous ! », titre la première vidéo de 2 minutes 40. « Je l'ai contracté à l'âge d'un an. J'ai donc toujours vécu avec lui et dû, durant de nombreuses années, supporter des appareillages en cuir et en métal très lourds pour un enfant. Aujourd'hui, nos équipements se sont allégés mais, en vieillissant, je suis plus fragile », confie-t-il, appelant toutes les nations à opter pour la prévention, a fortiori pour les enfants de moins de cinq ans qui sont les plus touchés.
« Pour le moment, l'excellente couverture vaccinale en France est rassurante », affirme Rotary international, signalant un « risque d'apparition de cas et/ou de clusters extrêmement faible ». « Néanmoins, il faut renforcer notre vigilance, le virus voyageant avec les flux migratoires », ajoute-t-il. Pour rappel, les premiers symptômes sont de la fièvre, de la fatigue, des céphalées, des vomissements, une raideur de la nuque et des douleurs dans les membres.
© Rotary international