Faut-il que l'AAH entre dans le périmètre du revenu universel d'activité (RUA) en projet ? Tous ceux qui ont avis sur la question sont invités à le donner à l'occasion de la grande consultation citoyenne lancée par le Gouvernement entre le 9 octobre et le 20 novembre 2019. Un site dédié en ligne, www.consultation-rua.gouv.fr (en lien ci-dessous), permet à tous les Français, allocataires des aides sociales ou non, de s'exprimer. Cette consultation s'articule autour de trois questions : le RUA, pourquoi, pour qui et comment ?
L'AAH concernée ?
Annoncé par le Président de la République lors la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le revenu universel d'activité ambitionne de « fusionner le plus grand nombre d'aides sociales en une prestation unique qui s'adapte à la situation de son bénéficiaire ». Mais quelles aides ? Le premier scénario, le plus restreint, engloberait le RSA, la prime d'activité et les allocations logements ; le second, plus vaste, concernerait aussi les jeunes de moins de 25 ans, les personnes âgées et handicapées. Pour cette dernière catégorie, se pose la question de savoir si on doit faire entrer les allocataires de l'allocation adulte handicapé (AAH) et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) dans ce dispositif. Le département de la Gironde a mené sa propre consultation en 2018 et, sur cette question, 61% des répondants se sont prononcés contre la fusion de l'AAH. En sera-t-il de même à l'échelle nationale ?
Handicap, sujet sensible
Si rien n'est encore tranché, Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, explique que le gouvernement étudie aujourd'hui ce « champ le plus large ». Au grand dam d'un collectif de 55 associations de personnes handicapées qui dénoncent unanimement cette perspective au motif que les allocataires sont en incapacité totale ou partielle de travailler (article complet en lien ci-dessous). Or, dans revenu universel d'activité, il y a bel et bien « activité ». La question du handicap est débattue avec Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, qui œuvre aux côtés de Christelle Dubos, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé. Cette dernière a salué la « qualité des récents échanges avec les associations de personnes handicapées », qui sont loin de partager son enthousiasme. Madame Dubos admet que les « inquiétudes ne sont pas levées », sur un sujet qu'elle juge « sensible » et pour lequel un « collège spécifique » a été créé.
Le gouvernement assure que les choses seront inscrites « dans le marbre » : « les personnes handicapées n'auront pas l'obligation de rechercher un emploi ». Dans ce cas, pourquoi les faire rentrer dans le RUA, ripostent les associations ? Christèle Dubos modère néanmoins en affirmant que le RUA sera « toujours incitatif à la reprise d'activité et permettra un gain financier pour les personnes handicapées qui reprennent un emploi ». Le flou est pour le moment suffisamment grand pour inquiéter les acteurs associatifs qui, d'une même voix, considèrent ce dispositif définitivement « inadapté » aux allocataires de l'AAH.
Pas de caractère contraignant
Reste à savoir quel impact aura cette consultation sur les décisions prises par le Gouvernement. Christèle Dubos reconnaît que l'avis des citoyens n'aura pas de « caractère contraignant ». Le gouvernement prévient : l'enveloppe globale de 37 milliards d'euros d'aides pour 15 millions d'allocataires se fera à budget constant. « S'il y a des gagnants et des perdants, on verra comment faire pour que les perdants perdent moins », explique Olivier Noblecourt, sans parvenir à se montrer rassurant. « Si une majorité de Français s'exprime contre une réforme, on justifiera ; cette consultation ne va pas se substituer à la décision politique mais cela permettra d'arbitrer », explique-t-elle. Au risque de créer des déceptions ? La ministre assure que, « sur les sujets sensibles », le gouvernement dialoguera avec les acteurs concernés, que les 20 propositions ayant reçu le plus de soutiens feront l'objet d'une étude spécifique et qu'il recevra les 10 contributeurs les plus actifs.
Comment participer ?
Toujours motivés ? Les 1,1 million d'allocataires de l'AAH peuvent se connecter pour faire valoir leur point de vue et surtout leurs droits. Toutes les propositions sont les bienvenues, à conditions de ne pas être hors-sujet et de respecter une charte de déontologie ; la modération des commentaires litigieux sera faite a posteriori, c'est-à-dire après la mise en ligne. Pour chaque proposition formulée, les internautes peuvent voter « pour, contre ou mitigé » et argumenter librement dans un onglet dédié. Pour ceux qui n'ont pas accès aux outils numériques, notamment en cas de handicap, des ateliers relais peuvent être organisés. La plateforme est entièrement accessible (RGAA).
Et après ?
Des ateliers citoyens seront, par ailleurs, programmés d'octobre à décembre dans six villes de France, chacun sur une thématique différente, avec l'objectif de débattre et de formuler des propositions concrètes. Celui du 26 novembre, à Chartres (Eure-et-Loir), est consacré aux personnes âgées et handicapées. Sur inscription, réunissant une centaine de citoyens concernés et des acteurs sociaux, il sera suivi d'une réunion publique, en fin de journée, ouverte à tous. Début 2020, un jury citoyen clôturera la concertation institutionnelle, la consultation en ligne et les ateliers citoyens en région. Composé de 15 citoyens représentatifs de la population française, il rédigera un avis collectif et éclairé sur un sujet controversé de la réforme. Un projet de loi doit être présenté au Parlement en 2020, avec une mise en œuvre du RUA prévue en 2022 ou, au plus tard, 2023.