Parmi les sportifs qui entraînent leurs corps à la compétition de haut niveau, Ibrahim Hamadtou détonne. Ce père de trois enfants, originaire de la ville portuaire de Damiette, a perdu ses deux bras dans un accident de train lorsqu'il était enfant. Aujourd'hui, lorsqu'il joue au tennis de table, il tient sa raquette avec sa bouche. Bien qu'il n'ait pas remporté ses premiers matches, contre le numéro quatre mondial, le Britannique David Wetherill, et l'Allemand Thomas Rau, ce joueur étonnant se dit ravi. « Je suis juste content d'avoir pu venir d'Égypte et d'avoir affronté des champions, confie-t-il à l'AFP. Ce que je ressens est inexplicable, je suis trop heureux. »
Le foot, trop dangereux
Hamadtou avait 10 ans lorsqu'il a perdu ses bras. « Après, il est resté silencieux chez lui pendant trois ans. Il n'osait pas sortir », raconte son entraîneur depuis 20 ans, Hossameldin Elshoubry. Un proche essaye de sortir l'adolescent de sa dépression grâce au sport. Avec ses deux bonnes jambes, le football semble parfait. « Ça n'a pas marché », soupire Ibrahim. Son coach explique : « C'était trop dangereux. Sans bras, si vous tombez, vous n'avez aucune façon de vous protéger ». Le jeune homme se tourne alors vers le tennis de table en faisant tenir la petite raquette sous l'aisselle de son bras droit. « Cela n'a pas marché non plus », sourit-il.
Quelques ajustements pour jouer
Finalement, il essaye de tenir le manche avec sa bouche, comme lorsque l'on cherche quelque chose avec une lampe et qu'on a les mains pleines, décrit-il. Mais le tennis de table, discipline rapide et précise qui se joue sur une petite table, est incomparable au fait de tenir une lampe de poche. Hamadtou, lui, y est arrivé. Pour cela, il a dû faire quelques ajustements. Pour servir et ramasser la balle, il utilise ses orteils et joue donc sans chaussure droite. Pour échanger des balles, il peut compter sur son cou musclé et agile qui transforme sa tête en l'équivalent d'un bras et sa bouche en une main. « Cela m'a pris trois ans pour apprendre », poursuit-il. Fier, son coach ajoute : « Après, sa vie a complètement changé. Il est même retourné à l'école ». Dans son pays, Hamadtou est devenu une star grâce une vidéo de ses exploits postée sur Youtube, vue plus de 2,3 millions de fois.
Des matches équitables ?
L'un de ses adversaires, David Wetherill, qui joue au tennis de table avec une béquille pour soutenir la partie gauche de son corps, est également très connu dans sa discipline. La vidéo de son superbe coup à Londres en 2012, alors qu'il était tombé au sol, a également été vue des millions de fois. Pourtant, celui-ci dit se sentir dans l'ombre face à l'Égyptien. « C'est une légende du tennis de table, déclare-t-il. Je sentais un peu de pression, j'étais nerveux. Ibrahim, avec toutes ces choses qu'il réalise, fait relativiser. » Le problème, finalement, est d'être unique : il est difficile de lui trouver des adversaires contre qui les matches soient équitables. « Il est le seul à utiliser sa bouche. S'il y en avait cinq, six, sept autres, nous pourrions créer une nouvelle catégorie », poursuit son entraîneur. Cela pourrait arriver. En Égypte, le sportif entraîne deux garçons sans bras âgés de 10 et 12 ans. Selon Hossameldin Elshoubry, « Il veut offrir à ces deux jeunes les compétences que personne n'a pu lui donner lorsqu'il était enfant ».
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