Abdellatif et Fouad Baka repoussent les limites du sport paralympique. Le secret de leur réussite ? « L'entraînement », répond à l'AFP Abdellatif, 22 ans, vainqueur de la finale du 1 500 m de catégorie T13 qui marquera les Jeux paralympiques de Rio 2016. Le 11 septembre, les quatre premiers athlètes à avoir franchi la ligne d'arrivée ont été plus rapides que le champion olympique Matthew Centrowitz, trois semaines auparavant. Remarquables et surprenantes, ces performances ne signifient pourtant pas que les athlètes paralympiques sortiraient vainqueurs d'un duel face aux valides.
Plus rapide qu'aux JO
Avec un temps de 3 min 48 sec 29/100, Abdellatif remporte la médaille d'or, la première de son pays, décrochant au passage le nouveau record du monde paralympique. Son jumeau, Fouad Baka, a, lui, échoué au pied du podium, avec un temps de 3 min 49 sec 84/100... Il reste meilleur que le champion olympique, l'Américain Matthew Centrowitz (3 min 50 sec 00/100), vainqueur de la course la plus lente depuis les Jeux de Los Angeles en 1932. « Cette victoire est une surprise », confie Abdellatif. Le champion espérait une médaille mais ne croyait pas au record du monde. « J'ai tout donné dans les 300 derniers mètres, c'était une course très tactique. Je suis fier d'avoir réussi. »
Une équipe de « vrais compétiteurs »
Abdellatif et Fouad, malvoyants depuis leur naissance, ont commencé l'athlétisme à 9 ans à Sétif, à 300 km à l'est d'Alger. Le premier, vainqueur de la médaille d'or au 800 m à Londres 2012, participe aux Jeux pour la deuxième fois. Fouad, lui, vit ses grands débuts. « La présence de l'un rassure l'autre, ils se complètent bien », estime leur entraîneur, Abderahmane Brahmi. « Pour cette course, ils ont mis en place une stratégie pour que l'un d'eux l'emporte. Fouad manque encore d'expérience mais il a manqué de peu le podium ».
Les jumeaux, classés dans la catégorie T13 - celle des malvoyants - ont une vision trouble à environ trois mètres. « Ce n'est pas vraiment un handicap, on est nés comme ça, on est habitués », affirment-ils. « Sérieux, travailleurs, gentils », selon leur entraîneur, ils placent le sport au centre de leur vie. Mais c'est en participant à de nombreuses compétitions avec des sportifs valides en Algérie qu'ils sont devenus de « vrais compétiteurs ».
Préparer Tokyo 2020
« Grâce à ces compétitions mixtes, ils courent après les centièmes, pensent tactique et vitesse », poursuit M. Brahmi, qui attend de voir ses poulains courir le 400 m le 17 septembre 2016. Avant de se joindre un jour au peloton des athlètes olympiques ? Abdellatif Baka veut y croire. « Courir avec les valides n'est pas impossible pour moi. Je m'entraîne dur pour ça, je suis sérieux. Si Dieu le veut, un jour j'y arriverai ». Pour l'heure, en rentrant de Rio, l'entraîneur commencera à les préparer pour les Paralympiques de Tokyo en 2020. « D'édition en édition, le niveau monte. Tout le monde cherche à repousser ses limites, ajoute-t-il ».
Craig Spence, porte-parole du Comité international paralympique, se réjouit d'avoir quatre athlètes plus rapides que le médaillé d'or olympique : « C'est la meilleure façon qu'ont les sportifs paralympiques de se promouvoir ». Selon lui, ces résultats combattent « l'idée reçue selon laquelle le sport paralympique est un sport de deuxième ordre ». Le 17 septembre 2016, le sauteur en longueur Markus Rehm s'élancera à son tour. S'il atteint son record personnel de 8,40 m, l'Allemand de 27 ans, amputé d'une jambe, aura battu le champion olympique de Rio, l'Américain Jeff Henderson, qui a sauté en août à 8,38 m.
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