Commercialisé depuis 1967 par Sanofi, principalement sous le nom de Dépakine, le valproate de sodium est un médicament aux vertus antiépileptiques qui a révolutionné la prise en charge de cette maladie. Il est aussi indiqué pour combattre les épisodes "maniaques" du trouble bipolaire, une maladie caractérisée par l'alternance d'épisodes dépressifs et euphoriques (ou "maniaques").
Risque multiplié par cinq
Selon la Haute autorité de santé (HAS), cette molécule "entraîne un risque accru" de troubles du développement cérébral (cognitifs, autistiques, comportementaux) chez les enfants exposés in utero, c'est-à-dire dont les mères enceintes ont suivi le traitement. Des travaux de chercheurs publiés en octobre 2020 ont conclu à un risque multiplié par cinq. Pour l'Agence du médicament (ANSM), les enfants exposés pendant la grossesse aux médicaments à base de valproate ou ses dérivés présentent également "un risque élevé de malformations congénitales". En raison de ces risques, cette molécule est contre-indiquée depuis plusieurs années pour "les filles, adolescentes, femmes en âge de procréer et femmes enceintes". "Ces médicaments ne doivent pas être prescrits chez ces patientes, sauf en cas d'inefficacité ou d'intolérance aux alternatives médicamenteuses", selon l'Agence du médicament.
Malformations et troubles du neurodéveloppement
En 2016, une enquête a été ouverte à Paris à la suite d'une procédure à l'initiative de l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (Apesac). Le valproate de sodium serait responsable depuis 1967 de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16 600 à 30 400 enfants, selon des estimations de l'Assurance maladie et de l'ANSM. Un dispositif d'indemnisation des victimes a été confié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).
L'Etat responsable
En juillet 2020, la justice administrative a reconnu pour la première fois la responsabilité de l'Etat - condamné à indemniser plusieurs familles d'enfants lourdement handicapés - ainsi que celle de Sanofi et de médecins. Dans l'enquête pénale, Sanofi et l'ANSM ont été mis en examen en 2020, pour "homicides involontaires" notamment. Une action de groupe lancée en 2017 par l'association de victimes Apesac a été jugée recevable par la justice, qui a estimé le 5 janvier 2022 que Sanofi avait "commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d'information" (article en lien ci-dessous). Le laboratoire a annoncé faire appel de ce jugement, "notamment fondé sur les conclusions critiquables" du rapport de 2020.
Une 2è expertise
Sur le volet « pénal », le magistrat chargé de l'instruction devra faire réaliser une deuxième expertise, a-t-on appris mercredi de sources concordantes. Selon une source judiciaire, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a infirmé le 15 décembre la décision qu'avait rendue le magistrat instructeur refusant de diligenter une nouvelle expertise, réclamée par le laboratoire. Le juge doit désormais fixer le nombre d'experts qui réaliseront un nouveau rapport. Cette "contre-expertise" va "dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice" et va pouvoir "garantir le respect du droit à un procès équitable et celui des droits de la défense", a réagi Sanofi dans un message transmis à l'AFP. Elle "permettra à de nouveaux experts judiciaires de répondre aux questions essentielles de santé publique posées dans le cadre de la procédure pénale."