En 2021, « le lien entre santé mentale de l'enfant et respect effectif de ses droits reste un combat ». Le nouveau rapport du Défenseur des droits (DDD) intitulé « Santé mentale des enfants : le droit au bien-être » (en lien ci-dessous) et publié le 17 novembre 2021, en amont de la Journée internationale des droits de l'enfant du 20 novembre, annonce la couleur dès les premières lignes... S'ensuivent 79 pages, dont 29 recommandations, pour interpeller les pouvoirs publics sur l'urgence d'agir afin de mieux protéger et prendre en charge cet enjeu de société. « Tout le monde est concerné ! », martèle Claire Hédon, la DDD.
Crise sanitaire : une aggravation
« Les deux années de vagues épidémiques ont contribué à aggraver » la situation, souligne le rapport. En effet, le confinement et les restrictions d'accès aux centres culturels, sportifs et de loisirs, ainsi que l'atmosphère d'incertitude n'ont pas été sans conséquence : angoisse, stress, dépression, troubles alimentaires... Des effets majorés pour les jeunes qui se trouvaient déjà en situation de vulnérabilité (maladie, handicap, pauvreté...). Selon la DDD, en mettant en lumière ces vulnérabilités, la crise sanitaire a aussi révélé l'insuffisance des réponses apportées dans le repérage des difficultés, le signalement des besoins ou l'accompagnement. Ces défaillances relèvent de problèmes structurels identifiés depuis plusieurs années tels que le déficit de professionnels et le morcellement des prises en charge.
Des droits indissociables
Selon l'article 24 de la Convention internationale des droits de l'enfant (Cide), traité international le plus ratifié au Monde, avec 196 Etats -sauf les Etats-Unis-, le droit à la santé mentale est indissociable des autres. Pourtant, sur les 3 000 saisines que reçoit chaque année le DDD liés aux atteintes aux droits de l'enfant, nombreuses sont celles qui concernent ce sujet. Les difficultés rencontrées par les enfants dans le cadre de leur scolarité semblent avoir une incidence directe sur leur bien-être. De même, l'insuffisante prise en compte d'un harcèlement ou l'absence de protection face à des violences les empêche bien souvent de jouir pleinement de leur droit à l'éducation.
Définition trop restrictive
Comment se définit la santé mentale ? Pour faire court, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il s'agit du « fondement du bien-être individu et du bon fonctionnement d'une communauté ». Longtemps tabou, ce sujet a été « mal appréhendé et enfermé par une définition trop restrictive, d'une part, et au sein d'un secteur psychiatrique mal considéré, d'autre part », pointe le rapport. Cela entraîne de multiples atteintes aux intérêts supérieurs des enfants : des adolescents hospitalisés dans un service pour adultes faute de places en pédopsychiatrie, des jeunes en situation de handicap contraints de s'exiler en Belgique... Ce sont aussi des enfants pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance (Ase), dont 25 % présentent un trouble psychique, contraints de suivre une scolarité courte pour des raisons financières ou d'autres victimes de violences qui ne sont ni repérés ni protégés en raison d'un manque de coordination entre les différents acteurs.
Une approche globale et plus d'écoute
« Il est urgent de dépasser les logiques de silos. La santé mentale des enfants mérite mieux que des approches fragmentaires et strictement sanitaires », estime Claire Hédon qui incite à opter pour une approche globale et préventive en considérant l'ensemble des facteurs, à savoir l'environnement familial et scolaire, les relations affectives, les conditions de vie, les réseaux sociaux, etc. Pour ce faire, l'institution recommande de développer les espaces d'écoute et d'attention à l'expression des enfants dans tous les lieux de leur quotidien, en particulier à l'école. « On ne peut plus faire sans la participation des personnes concernées et cela vaut aussi pour les enfants. Il faut les entendre et renforcer l'accompagnement proposé aux parents, notamment via les PMI (protections maternelles infantiles) », exhorte la DDD.
Développer les CMP(P)
Enfin, il est « indispensable de répondre véritablement aux insuffisances dont souffre le secteur de la santé mentale » (manque de personnel, faible attractivité, inégale répartition des pros sur le territoire), en investissant « massivement », ajoute Claire Hédon. Et sans perdre de temps car « plus l'action est précoce, plus elle est efficace », assure-t-elle. « Dès lors que des difficultés ont été identifiées chez un enfant, un diagnostic doit être établi pour qu'une prise en charge médicale et psychologique adaptée soit mise en œuvre. Cela suppose non seulement d'augmenter le nombre de Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et de Centres médico-psychologiques (CMP) mais également de soutenir les projets de création d'équipes mobiles, afin de contribuer au renforcement de l'offre de soins pédopsychiatriques », précise le rapport. « Pour l'instant, nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux », déplore Claire Hédon.
Un sujet prioritaire
« Quelle société veut-on offrir aux personnes les plus fragiles ? », interroge-t-elle. « La santé mentale et le bien-être des enfants doivent être considérés comme une priorité par les politiques publiques, dans une logique de prévention, de lutte contre les violences éducatives 'ordinaires', en rendant effectif l'accès à la santé mais aussi à la culture, à l'éducation, à la justice et à la sécurité », insiste la DDD. Ses deux prochains projets ? Une étude sur les effets à long terme de la crise sanitaire sur la santé mentale des enfants et adolescents et une enquête approfondie sur les conséquences de toutes les formes d'addictions liées aux écrans.
2 recommandations pour une école plus inclusive
Sur les 29 recommandations du rapport du DDD, deux concernent spécifiquement les enfants en situation de handicap. La numéro 13 exhorte le ministre de l'Education nationale à rendre obligatoire un minimum d'heures de formation à leur accueil, dans le cadre de la formation continue, pour tous les enseignants déjà en poste. La 14 appelle à conforter les moyens de l'école inclusive afin que tous ces enfants puissent être orientés dans les établissements adaptés à leurs besoins et aient accès aux aides, notamment humaines. Quid du principe de désinstitutionalisation prôné par l'ONU dans son dernier rapport (article en lien ci-dessous) ? Si Claire Hédon consent que c'est un « idéal », elle n'y est pas forcément favorable en l'état actuel des choses. « On ne peut pas fermer des institutions et laisser des parents sans solution », explique-t-elle. « Cela ne fonctionnera que si l'on dote l'Education nationale de moyens et de professionnels spécialisés (ergothérapeutes, psychomotriciens, etc.) », conclut Eric Dellemar, Défenseur des droits des enfants. Message reçu ?