Par Jessica Lopez
Lors du débat de l'entre-deux-tours, M. Macron avait consacré sa « carte blanche » au handicap, « une des priorités de (son) quinquennat ». Devant 16,5 millions de téléspectateurs, il a notamment promis la création de « tous les postes d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour que les jeunes en situation de handicap puissent aller à l'école ». À la rentrée 2016, 280 000 enfants en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire, un chiffre qui a augmenté de 25% en cinq ans. Parmi eux, 122 000 bénéficiaient d'un accompagnant (83 000 en individuel et 39 000 mutualisés), selon l'Éducation nationale.
Des emplois précaires
S'il n'est pas un préalable à la scolarité, l'accompagnant est indispensable à certains enfants. Or, ces salariés de l'Éducation nationale sont insuffisants, souvent car l'emploi est précaire, « peu valorisé ». « Qui peut être intéressé ? C'est affreux, pour un contrat de 20 heures, on gagne 775 euros », s'exclame Sophie, 53 ans, accompagnante d'un garçonnet porteur d'autisme scolarisé en CP. Assise à ses côtés, elle l'aide à comprendre les exercices, prendre des notes, organiser son travail, et participer à la vie en classe. Elle-même mère d'un garçon autiste, cette Parisienne dit avoir « mis de côté l'aspect financier » : « Quand on les voit rentrer dans la lecture, progresser, être intégrés dans la classe, c'est fabuleux. »
Un système généreux
Pour autant, ni formation, ni connaissance du handicap ni diplôme préalables ne sont exigés. « On va chercher les AVS à Pôle emploi car on doit être éligible aux contrats aidés. Certains sont surdiplômés, d'autres n'ont pas toujours un bon niveau scolaire ou de français », regrette Sophie, témoin « d'erreurs de casting ». Valérie, mère d'un adolescent de 13 ans atteint de handicap moteur qui a bénéficié de différents AVS, s'étonne en effet que ces derniers ne soient pas « mieux préparés au handicap ». « Ils doivent construire eux-mêmes la relation avec un enfant dont ils ne savent rien. Ils s'adaptent comme ils peuvent », constate-t-elle, décrivant le lien « très fort » qui unit son fils à ses AVS. L'intégration en milieu ordinaire est « un défi pour ces enfants », ajoute Valérie, pour qui le système français est « généreux ».
Des actions pour consolider le métier
Pendant le quinquennat Hollande, des actions ont été menées pour consolider ce métier. En 2014, un statut d'accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) a été créé, avec la possibilité d'avoir un CDI après six années d'ancienneté. C'est le cas de Françoise Noreille, 59 ans, qui accompagne deux enfants dans une école élémentaire des Hauts-de-Seine et sera en CDI dès la rentrée. « Cassée par des années de chômage », cette AVS avait pris cette voie alors qu'elle n'y connaissait rien. « C'est difficile, témoigne-t-elle. Il faut de la patience, de la pédagogie et de l'abnégation pour faire sa place, y compris parmi les enseignants. »
Ne pas couper le robinet
Pour Marie-Christine Philbert, secrétaire générale de la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap (Fnaseph), « le problème c'est que le métier est considéré comme une résolution du chômage, pas comme un métier au service d'un jeune qui a besoin de compensation à l'école ». « La qualité n'est pas toujours là mais les AVS ont permis d'ouvrir les portes de l'école à énormément d'enfants », souligne-t-elle toutefois, plaidant pour « qu'on coupe le robinet des emplois aidés qui ne sont ni une solution à la précarité, ni bénéfiques au lien entre le jeune et son accompagnant ».
Une nomination rassurante ?
La nomination au secrétariat d'État chargé des Personnes handicapées de Sophie Cluzel (article en lien ci-dessous), figure associative engagée, a rassuré la profession, qui espère que le dossier sera au programme du nouveau gouvernement. Et suscité l'espoir de parents qui ne veulent « plus d'enfants qui font leur rentrée sans AVS ou ne peuvent pas faire de sortie scolaire car l'AVS n'a pas le droit de travailler hors périmètre et horaires scolaires », a souhaité dans une lettre ouverte Caroline Boudet, mère de Louise, une fillette porteuse de trisomie 21.