Le 26 juillet 2017, le mistral souffle vigoureusement sur les plages du Prado, à Marseille. À 11 heures, au Village du Tour de France à la voile, installé sur la plage du Roucas Blanc, un membre du comité de course prend le micro et annonce un vent moyen de 23 à 28 nœuds ; le raid côtier de la 8e et avant-dernière étape de la compétition doit être annulé. Les conditions météo ne s'amélioreront qu'en milieu de nuit, les navigateurs resteront donc à terre pour l'après-midi. Depuis deux jours, c'est l'équipage handi-valide Fondation Française des jeux - Des pieds et des mains, des skippers Damien Seguin (né sans main gauche) et Damien Iehl, qui est en tête de course. L'équipe a raflé la première place lors de la 7e étape du Grau-du-Roi, profitant notamment des contre-performances de l'ancien leader, Trésors de Tahiti. Une belle montée en puissance, avant une éventuelle victoire…
Des leaders désormais « chassés »
Pour cette troisième année consécutive, ces résultats témoignent d'une belle montée du niveau de jeu des navigateurs, qui visaient initialement le top 5 (lire article en lien ci-dessous). « Nous sommes restés concentrés sur notre navigation et notre équipage depuis le début, explique posément Damien Iehl, co-skipper. Le fait d'être leader rajoute un peu de pression ; nous étions les chasseurs et maintenant nous sommes les chassés. » Pour Damien Seguin, cette réussite s'explique, entre autres, par « une cohérence de l'équipe », un « entraînement poussé » et le fait de « ne pas avoir connu de trou d'air ».
2017 : objectif performance
La performance est gratifiante pour le monde du sport handivalide, comme pour toute l'organisation de l'équipage : « Lors des deux premiers tours, notre projet était surtout axé sur la communication et la sensibilisation, avec l'idée de donner de la visibilité à un équipage mixte, poursuit Damien Seguin. Cette année, nous avions un objectif de performance sportive. Le projet a été modifié avec un bateau neuf, plus de moyens et un entraînement démarré dès janvier. » (lire articles en lien ci-dessous). L'objectif de se placer parmi les premiers est donc atteint pour le moment et relève d'un certain challenge : « Le niveau est monté par rapport à toute la saison, confie le champion paralympique qui compte le Vendée Globe parmi ses prochains rêves. D'autres équipages sont tout autant capables de gagner ; je pense par exemple au Lorina. Le vainqueur sera celui qui aura été le plus régulier et qui aura commis moins d'erreurs que les autres. »
« Aussi malmené qu'un skipper valide »
Ces conditions prouvent que le handicap ne freine en rien la capacité à aller très loin. Pour les équipiers, il est à peine question d'y faire allusion. À bord, « Damien est aussi malmené qu'un skipper valide », plaisante Damien Iehl. François Morvan, autre membre de l'équipage, vainqueur du premier TDF et navigateur professionnel depuis 2011, n'y pense même pas. « J'avais déjà vu Damien naviguer ; lorsqu'on m'a proposé de rejoindre son équipage, j'ai accepté sans émettre aucun doute sur ses compétences », confie-t-il. « Sur certaines manœuvres, nous nous adaptons un tout petit peu parce qu'il peut être légèrement plus lent mais ça ne pose jamais de problème », note par ailleurs Benjamin Amiot, autre skipper membre du team. Rien n'est gagné d'avance mais si les navigateurs, relativement confiants, poursuivent sur leur lancée, ils resteront difficiles à détrôner pour cette dernière ligne droite.
« Des pieds et des mains », toujours présents
À l'occasion des compétitions, l'association Des pieds et des mains, fondée par le skipper paralympique, est également à l'œuvre sur toutes les étapes du Tour. Des baptêmes nautiques sont organisés pour tous les profils d'apprentis marins : jeunes à la recherche d'un nouveau loisir, personnes désireuses de reprendre la voile après un accident et malgré leur handicap, amateurs qui veulent prendre le large une journée… Sur l'eau, deux Weta (trimaran de sport), dont un adapté au handicap, invitent à la navigation. « Nous sommes également en lien avec des projets scolaires, explique Nolwenn Le Petit, qui coordonne les opérations de l'association. L'idée est de mettre un pied à l'étrier avant, peut-être, de diriger ceux qui le souhaitent vers des stages de repérage dans les clubs de la FFV (Fédération française de voile). » Avec, toujours comme maître-mot, la mixité !
Les résultats finaux du Tour de France à la voile 2017 seront connus après les dernières étapes et l'arrivée à Nice le 30 juillet.
© Jean-Marie Liot / ASO et Robin Christol