Un concert pour les " gens les plus cassés de Paris "

Les " compagnons " étaient au balcon de la salle Gaveau pour écouter Beethoven. Des cabossés qui retrouvent goût à la vie dans les maisons partagées Simon de Cyrène. Ce concert leur était dédié. Un moment de grâce !

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Parfois il arrive de drôles de choses… Comme un orchestre tout entier qui joue pour financer une cuisine équipée. L'histoire est un peu simplifiée mais tout s'explique. Le 10 mars 2016, la Salle Gaveau de Paris, temple de la musique, s'est offerte à une soirée solidaire à l'occasion de la 35ème édition des « Saisons de la solidarité ». Ces dernières, grands concerts de musique classique donnés dans les salles les plus prestigieuses au profit d'associations caritatives, ont été initiées en 2005 par le chef de l'orchestre de l'Alliance, Pejman Memarzadech.

Des lieux de vie communautaires

A Gaveau, il a mené à la baguette Beethoven, Tchaïkovski et Kodaly au profit de la fédération Simon de Cyrène, qui ouvre des maisons partagées dans toute la France. Elle a été lauréate, en décembre 2015 du dispositif « La France s'engage » promu par le Gouvernement. Une fois poussée la porte de ces lieux de vie communautaires, à taille humaine, on y croise des personnes lourdement handicapées qui partagent leur quotidien avec des « valides », salariés ou bénévoles. Ainsi chacun habite chez soi tout en bénéficiant de l'accompagnement nécessaire. Une autre façon de vivre l'inclusion, en totale immersion. Au cœur des villes, jamais loin des regards…

Les gens les plus cassés de Paris

La recette de cette soirée soutenue par la Fondation Malakoff Médéric Handicap, historiquement engagée dans le soutien aux personnes handicapées, a été reversée à cette association avec l'objectif d'installer une cuisine adaptée et tout confort pour la soixantaine de résidents (33 personnes handicapées et 26 assistants) de la maison de Rungis (94) qui sera inaugurée d'ici quelques mois. En 2016, ils seront 600 à vivre ensemble au sein de 30 maisons réparties dans dix villes françaises. Ce soir-là, les « compagnons » sont dans la salle, au balcon. Sont heureux et le font savoir. Applaudissent à tout rompre lorsque Laurent de Cherisey, leur « directeur » raconte, chaque mot ponctué de bienveillance, le combat de ces accidentés de la vie ou de naissance. « Ce sont probablement les gens les plus cassés de Paris, explique-t-il, mais ça rigole beaucoup. » Quel est leur secret ?

Des moments de grâce

Ils étaient comme tout le monde, ont reçu le mauvais coup du sort et se sont réveillés après des mois de coma. Autrefois, avant la création du SAMU, ils seraient morts. Aujourd'hui, ils sont maintenus en vie. Survivent. 40 000 ainsi chaque année. Plus d'un million depuis trente ans. Et après ? « Quand ils se réveillent, poursuit Laurent de Cherisey, ils se rappellent leur vie d'avant et se posent la question douloureuse : « Pourquoi ? ». « Pourquoi est-ce qu'une société moderne nous garde en vie alors que nous ne sommes plus ni efficaces ni rentables ? ». Paul confie que, depuis son accident, sa « plus grande souffrance, c'est la solitude ». Dans leur « chez soi », ces hommes et ces femmes profondément bouleversés, mutilés, réapprennent à vivre à leur rythme, à nouer des liens d'amitié, à consolider des projets personnels, à devenir des acteurs dans la cité. « S'en suit alors un long cheminement, conclut Laurent de Cherisey. Et une autre question : « Qui est l'Homme profondément ? ». Nous réglerons beaucoup de problèmes du XXIème siècle lorsque nous aurons répondu à cela. La personne fragile nous dit : « J'ai besoin de toi ». Et parfois le goût de l'autre est sublimé dans des moments de grâce, comme ce soir… ».

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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