« Sourdaveugles », ce sont 6 500 personnes officiellement en France, atteintes du syndrome d'Usher en majorité, mais probablement 10 000 toutes maladies confondues. Trop peu pour que ce handicap qui cumule surdité (ou malentendance) et cécité (ou malvoyance) soit réellement pris en compte, notamment par les pouvoirs publics ? En réalité, elles seraient plus de 400 000 passés 75 ans, une conséquence de l'avancée en âge.
Un forfait PCH depuis 2023
Récemment, deux mesures marquantes ont été prise en France. La première, c'est la création d'un forfait d'aide humaine spécifique dans le cadre de la Prestation de compensation du handicap (PCH). Auparavant, les personnes sourdaveugles ne pouvaient pas cumuler les deux forfaits existants : cécité (50h) et surdité (30h), il fallait choisir son handicap, drôle d'ironie. Depuis le 1er janvier 2023, elles disposent de trois forfaits (30h, 50h, 80h) en fonction de l'intensité du handicap (Lire : Surdicécité : un forfait PCH aide humaine de 30 à 80h). Sur le papier, tout fonctionne mais, selon Thomas Soret, copilote de la mission ministérielle surdicécité, cet engagement « se heurte encore à la carence de professionnels de l'aide à domicile dûment formés, qui maintient les personnes concernées dans un tunnel ».
Compensation technique… et canine
De rares outils sont proposés, comme la langue tactile, sur la main et dans le dos. « Mieux vaut l'apprendre avant que le handicap s'installe mais le système pose un problème ; les instructeurs de locomotion ne sont pas proposés par les MDPH (maisons départementales des personnes handicapées) en amont, s'impatiente Thomas Soret alors qu'il est indispensable d'anticiper pour ne pas se retrouver dans l'impasse ». Il existe également des écrans géants avec transcription écrite en grands caractères. Des chiens, encore trop rares en France, sont maintenant formés pour être à la fois guides et écouteurs. Ils posent par exemple une patte sur le bras de leur maître lorsque sonne le réveil. « Le syndrome d'Usher pousse à l'isolement et le chien permet de maintenir le lien social », insiste Thomas.
Une mission interministérielle
La seconde avancée, c'est la création, en juillet 2022 d'une mission interministérielle visant à explorer des pistes concrètes (Lire : Surdicécité, 5 000 Français : un groupe de travail est lancé ). Quatre axes majeurs : améliorer l'accompagnement des personnes, former les pro, structurer l'offre pour proposer un accompagnement près de chez soi et améliorer la recherche. Mais aussi une multitude de « priorités » : l'accès à l'école encore limité, les aides techniques peu répandues en l'absence de « marché », un recensement inexistant fait « à la louche » ou encore les carences de prise en charge des enfants dans le médico-social en l'absence de professionnels formés.
Pour Céline Poulet, qui chapote cette méthode jugée « innovante », il s'agit « de faire travailler directement les acteurs concernés et les administrations centrales, afin de réfléchir sur les évolutions souhaitées par les personnes et de trouver les solutions ensemble ». Quand toutes les thématiques auront été passées en revue, les missionnés déposeront leurs conclusions sur le bureau des ministres pour « une mise en œuvre de manière très opérationnelle ». Remise prévue en septembre 2024.
Mesures en cours et à venir
En parallèle, deux propositions ont été annoncées lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) d'avril 2023. Tout d'abord l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques par la Haute autorité de santé (HAS) afin de disposer d'un référentiel précis et fiable pour un accompagnement adapté par les professionnels. Ensuite la création de groupes d'entraide mutuelle (GEM) surdicécité pilotés par les Agences régionales de santé, défini par le GNCHR (Groupement national de coopération handicaps rares) comme un « réel outil d'insertion dans la cité, de lutte contre l'isolement et de soutien par les pairs ». Mais, selon Jean Bouissou, l'un des trois copilotes de la mission surdicécité, « cela risque de prendre du temps » ; il n'attend pas leur première implantation avant 2025, espérant qu'il y en « aura plusieurs en Ile-de-France et autour des grandes villes pour éviter les déplacements ». Ces groupes permettent de rencontrer des pairs, notamment pour les parents à qui l'on annonce une maladie d'Usher ou un syndrome Charge. « C'est la panique, ils sont lâchés dans la nature et vont avoir des réflexes pas forcément justifiés : interdire le sport à leur enfant, le retirer de l'école ou lui apprendre le braille. Ils ont besoin d'être épaulés », réagit Jean Bouissou.
Un programme d'éducation thérapeutique
D'autres mesures comme le programme d'éducation thérapeutique du patient (ETP), déjà en cours au sein de l'hôpital Necker, à Paris ; il définit comme un ensemble coordonné d'activités d'éducation destinées à des patients et à leur entourage et animées par une équipe de professionnels de santé avec le concours d'autres acteurs (éducateur en activité physique adaptée, psychologue, etc.). Objectif ? Proposer au patient un programme personnalisé.
Pour en savoir plus, lire le volet 1 de notre article consacré à la 1ère rencontre dédiée à la surdicécité qui s'est tenue le 27 juin 2023 à l'occasion de la Journée mondiale. Au sein des ministères sociaux, à Paris, elle a réuni tous les acteurs impliqués (Lire : Surdicécité, 1ere rencontre en France pour sortir de l'ombre).
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