Handicap.fr : Depuis 14 ans, votre syndicat, FO, organise chaque année un grand colloque sur le thème emploi et handicap ?
Anne Baltazar : Oui, c'était notre 14ème journée nationale « Travail et handicap », le 18 décembre 2013 à Paris, complété par deux jours en région par an. Quatre cents militants FO, venus de tous les départements, étaient présents. Ils sont venus poser leurs revendications, réactiver et approfondir certains sujets.
H.fr : Quelle était la « tendance » de l'édition 2014 ?
AB : Cette année, les thèmes plus spécifiquement abordés étaient : les discriminations, les aidants, les négociations mais aussi « Europe et handicap ». Nous avons également proposé une présentation de réalisations au service des personnes handicapées, et notamment le salon du recrutement virtuel Handi2day, que vous connaissez bien puisqu'il est l'une des initiatives de handicap.fr.
H.fr : Dominique Baudis était également présent. Défenseur des droits et syndicats : même combat ?
AB : Oui en effet. Le Défenseur des droits mène une action importante en faveur des personnes handicapées, notamment sur les questions relatives à la discrimination et a rendu de nombreuses décisions à ce sujet. Il était donc important de montrer que, dans le monde du travail, ses services peuvent également intervenir. Nous agissons de concert même si, lors des débuts de la Halde (nom de cette entité à l'origine), ses actions avaient pu être jugées concurrentielles avec celles des syndicats. Or il agit sur des cas individuels qu'il porte devant la justice et les pouvoirs publics alors que les syndicats se mobilisent davantage au sein de l'entreprise même s'ils peuvent, également, le cas échéant, accompagner les travailleurs devant les tribunaux. En complément, nous leur conseillons parfois, d'ailleurs, de déposer une saisine auprès du Défenseur des droits.
H.fr : Comment convaincre un travailleur, et notamment handicapé, de se syndiquer ?
AB : Nous sommes structurés en « toile d'araignée », à la fois par secteur professionnel et par secteur géographique, et offrons des relais possibles auprès de la sécu et d'autres organismes. Chaque travailleur a donc tout intérêt à souscrire ! Lorsque les institutions sont défaillantes, les syndicats doivent suppléer, quitte à endosser le rôle d'assistante sociale pour venir au secours des plus vulnérables. Il ne faut pas non plus oublier que les syndicats sont partie prenante de nombreux organismes qui s'impliquent en faveur des personnes handicapées : Agefiph, FIPHFP, CNCPH...
H.fr : Vos militants sont-ils « outillés » pour défendre les travailleurs handicapés ?
AB : C'est évidemment, aussi, leur rôle. Nous organisons dix stages de formation par an pour nos militants syndicalistes d'une part pour expliquer leur rôle en faveur des salariés handicapés au sein des CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), d'autre part afin de les aider à mener une négociation qui permet de prendre en compte les particularités des travailleurs handicapés et, notamment, de tout faire pour les maintenir dans l'emploi.
H.fr : Et dans vos rangs militants, les travailleurs handicapés sont-ils présents ?
AB : Nous observons une montée en puissance de demande d'adhérents en situation de handicap qui souhaitent participer aux stages et congrès organisés par FO. Nous sommes en train de travailler pour proposer la présence de traducteurs en langue des signes par exemple lors de ces formations et des supports pédagogiques adaptés. Même s'ils ont longtemps été victimes d'une autocensure car ils pensaient que leur parole ne serait pas prise en compte, ils sont aujourd'hui de plus en plus nombreux à rejoindre nos rangs. C'est une tendance nouvelle ! Le secrétaire fédéral de FO-Métaux, par exemple, est atteint d'ostéogénèse imparfaite (maladie des os de verre).
H.fr : Quel est la problématique qui revient le plus souvent lors de ces stages ?
AB : C'est indéniablement le maintien dans l'emploi. A ce sujet, au terme de trois réunions de négociation, FO-Métaux vient de signer un accord sur l'emploi des personnes en situation de handicap dans la métallurgie. FO Métaux revendiquait une négociation sur ce thème depuis 2005 et se félicite de ce premier pas. Il tend à initier une politique globale et durable en faveur de l'insertion professionnelle et de l'emploi des personnes handicapées, qui comprend également un volet sur la prévention de ces situations. Ainsi, cet enjeu doit irriguer l'ensemble des accords, travaux et actions de la branche.
H.fr : Un syndicat peut-il venir également en aide aux travailleurs d'ESAT ?
AB : Le problème avec les ESAT (Etablissement et service d'aide par le travail), c'est que leurs travailleurs sont hors du code du travail, ce qui heurte évidemment les responsables syndicaux. Ils n'ont aucun recours pour faire valoir leurs droits.
H.fr : FO a mis en place un site spécialement destiné aux travailleurs handicapés ?
AB : Oui, il s'agit de handicap.force-ouvriere.org. Le web offre un écran à portée du monde et il est important que tout le monde ait accès aux mêmes droits. Il est destiné aux militants FO, aux adhérents et aux autres... Entièrement accessible, il pose les revendications de FO sur le handicap, l'accès à l'emploi et la progression de carrière.
H.fr : Quel est aujourd'hui le contexte de l'emploi des travailleurs handicapés ?
AB : Pas favorable ! On ressent une grande crispation des employeurs sur cette question. Le patronat se rebiffe contre les charges et les contraintes financières qui lui sont imposées, et cette obligation légale en fait partie. Pour notre part, nous tenons absolument au maintien et à l'effectivité de cette obligation. De plus, nous revendiquons une meilleure protection des salariés handicapés menacés de licenciement, que ce soit pour inaptitude ou pour raison économique.