« Gaston, y'a le téléfon qui son et y'a jamais person qui y répond. » C'est un peu à cela que ressemble le quotidien des personnes sourdes lorsqu'ils ont un bigophone entre les mains… En France, ils sont en effet 500 000 à ne pouvoir téléphoner du fait de leur handicap auditif ou de la communication (sourds, malentendants, sourds-aveugles, aphasiques…) . « Et pas seulement des sourds qui pleurent pour pouvoir commander une pizza, ironise Jérémie Boroy, délégué général d'Aditus, l'une des associations qui mènent ce combat depuis plusieurs années, mais aussi leur entourage qui apprécierait de pouvoir les joindre sans contrainte ». Or, malgré l'évolution des nouvelles technologies de la communication, la téléphonie vocale reste incontournable dans notre quotidien et la vie économique de notre pays.
Ça fonctionne ailleurs…
C'est pourquoi d'autres pays ont fait le choix, depuis plusieurs années, de mettre en place un centre relais téléphonique généraliste (ou plusieurs) ; il s'agit d'une plateforme en ligne depuis laquelle des professionnels de la communication accessible (interprètes en langue des signes, transcripteurs, etc.) mettent en relation deux interlocuteurs qui n'ont pas le même mode de communication et assurent, en temps réel, l'accessibilité de leur échange téléphonique, quel que soit le motif de l'appel. Cette solution innovante a fait ses preuves là où elle a été déployée pour fonctionner 24 heures sur 24, notamment aux Etats-Unis.
Une loi en débat le 19 janvier 2016
En France, les associations représentant les publics concernés sont mobilisées depuis 2006 pour qu'une telle solution soit retenue. Le projet de loi pour une République numérique, qui sera débattu à l'Assemblée nationale les 19, 20 et 21 janvier 2016, constitue le vecteur législatif nécessaire pour impulser et encadrer le développement d'un centre relais téléphonique généraliste. Mais, selon Jérémie Boroy, « la rédaction actuelle de l'article 43 du projet de loi tente bien de régler la question mais passe complètement à côté du sujet. Sans doute l'influence de quelques intérêts privés qui a joué ! » C'est donc une nouvelle rédaction qui serait nécessaire. « Nous reprenons notre bâton de pèlerin pour tenter de convaincre le législateur de ne pas rater ce rendez-vous, poursuit-il. » Son financement pourrait être assuré par une « accès-participation » de 0,65 € par an, prélevée sur les factures de tous les abonnés du téléphone et d'internet. Soit 0,055€ par mois ! Ce centre relais téléphonique généraliste pourrait ainsi, d'ici 10 ans, répondre aux besoins de 91 000 utilisateurs.
Le compte est bon
Jérémy Boroy va même plus loin. Selon lui, un tel service pourrait « créer 1 500 emplois directs nécessaires à son fonctionnement. » Facteur de croissance, ce service innovant serait également générateur d'économies conséquentes pour l'État, « grâce à leur nouvelle autonomie face au téléphone, 30 000 emplois pourraient être occupés par des personnes handicapées entraînent 288 millions d'euros d'économies sur le budget de l'Allocation adulte handicapé (AAH) et 75 millions d'euros d'impôts sur le revenu supplémentaires ». Pour tout comprendre, en détails, une page dédiée a été mise en ligne par Aditus (en lien ci-dessous) tandis qu'une pétition portée par de nombreuses associations attend le soutien de tous (en lien ci-dessous), avec sa version explicative en langue des signes (LSF).