Alors que la plupart des téléspectateurs fuient les écrans de pub à la télé, certains aimeraient bien savoir ce que les marques ont à leur vendre… C'est le cas des personnes déficientes visuelles qui n'ont que le son pour se forger une opinion. Alors qu'on l'aime ou qu'on la déteste, à quand la pub audiodécrite, cette « voix qui murmure à l'oreille » des consommateurs ? TF1 a fait un premier pas le 21 novembre 2023 à l'occasion de la Journée mondiale de la TV consacrée, en 2023, à l'accessibilité des contenus et publicités, également en pleine 27e Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées. Après le JT de 13h, elle a diffusé plusieurs spots audiodécrits de Groupama, Bouygues Telecom, Pampers (Procter & Gamble) et SG (groupe Société Générale).
Un coût modique
Un one shot et après ? Moins de 0,3 % des spots publicitaires diffusés sur les antennes du groupe sont adaptés en audiodescription alors que de plus en plus de programmes de fiction le sont. Il en va de la responsabilité des marques, même si elles n'ont aucune obligation légale en la matière. TF1 propose donc « aux annonceurs un format spécifique tout au long de l'année via le My[Screen] Audiodescription » qui permet, via un jingle dédié, d'annoncer aux téléspectateurs, en amont de la diffusion, que le spot à venir est audiodécrit. Ils peuvent alors activer la fonctionnalité dédiée sur leur téléviseur. L'audiodescription est prise en charge par les marques. Mais ce coût de mise en accessibilité reste modique, « quelques centaines d'euros par film », selon l'Association des agences-conseils en communication et l'Union des marques. Quant aux délais de production : « Il suffit d'anticiper et de prévoir de 48 à 72 heures dans un planning de plusieurs semaines », ajoute l'AACC. Fin 2021, le 1er Guide d'audiodescription des pubs télé pour les clients déficients visuels a vu le jour en France afin d'orienter les marques (Lire : Des pubs bien audiodécrites: un guide pour aider les marques). Un challenge pour ces formats très brefs et particulièrement imagés.
Des clients potentiels
La chaîne se dit « engagée en faveur d'une publicité plus responsable et plus inclusive » pour « l'ensemble des Français ». Pour cesser de considérer les personnes handicapées, notamment aveugles, comme une clientèle de niche alors qu'en France on dénombre près d'un million de personnes malvoyantes et 200 000 aveugles ? 75 % des personnes déficientes visuelles déclarent qu'une marque qui fait le choix d'audiodécrire ses campagnes influence positivement leur perception, selon une enquête de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA).
Réactions positives
« On va enfin pouvoir s'abrutir comme les autres », ironise Anthony Martins-Misse, militant non-voyant, qui dit néanmoins « saluer cette démarche ». « Quoi qu'on pense de la pub, si l'on considère que ce sont des programmes audiovisuels à part entière, il n'y a aucune raison qu'ils ne bénéficient pas des mêmes adaptations que les autres », a-t-il réagi. Selon lui, « la publicité est également un temps de sensibilisation sur des sujets de société importants et parfois graves comme les violences conjugales, sur les enfants, le tabagisme… ». Or, souvent, des numéros et URL sont affichés sans être énoncés par la voix off. A son tour, Edouard Ferrero, ex-président de la CFPSAA, disant « ne pas être au courant de cette initiative », reconnaît que « certaines personnes peuvent être intéressées ». Par ailleurs, « ne boudons pas le plaisir qu'une industrie, celle de l'audiodescription, grandit et va donc créer de l'emploi », ajoute Anthony Martins-Misse. « Mais, dans ce cas, qu'en est-il de la LSF (langue des signes française) pour les sourds sur les films promotionnels avec dialogues ? », interroge-t-il.