20 000 traumatismes crâniens (TC) chaque année en France, dont 10 000 avec des séquelles… C'est même la première cause de mortalité chez les moins de 30 ans. Ils sont principalement dus aux accidents de la route, aux pratiques sportives à risques mais également aux chutes de personnes âgées et aux traumatismes liés aux blessures par balle.
Des conséquences à terme
« Lors d'un traumatisme crânien, en dehors des lésions cérébrales primaires (contusion, hémorragie, déficit énergétique) pour lesquelles on ne peut pas grand-chose, vont se produire, dans les jours qui suivent, des modifications neurochimiques considérables qui vont altérer le fonctionnement du cerveau », explique le Dr Philippon, neurochirurgien, président du Comité scientifique de la Fondation des Gueules Cassées qui soutient cette recherche. Comment faire en sorte de limiter leur impact de ces lésions secondaires ? C'est la réponse que tente d'apporter l'unité de recherche du Pr Catherine Marchand-Leroux, chercheuse à la Faculté de Pharmacie de Paris (Université Paris Descartes), avec l'objectif d'identifier des cibles thérapeutiques afin de développer de nouvelles stratégies de prise en charge.
Focus sur la substance blanche
En se focalisant tout particulièrement sur les traumatismes « légers », l'équipe s'intéresse au symptôme neuro-inflammatoire susceptible de perdurer plusieurs années. Les fibres nerveuses et la myéline -gaine qui les protège- composent la « substance blanche » ; c'est elle qui relie les neurones, que l'on nomme la « substance grise ». Juste après la survenue du choc, l'inflammation amène une cellule nommée microglie à libérer des substances toxiques qui détruisent la myéline ainsi que les neurones, ces lésions pouvant avoir un impact majeur et entraîner des séquelles à très long terme, parfois « 18 ans après » selon le Pr Marchand-Leroux. Dans le même temps, ladite cellule libère des facteurs trophiques propres à leur réparation. Forts de ce constat, les chercheurs visent à faire basculer la toxicité vers la protection : moduler plutôt que de stopper l'inflammation post-traumatique pour régénérer myéline, facteur primordial de réparation de la substance blanche.
Objectif traitement
A ce jour, aucun traitement stimulant la remyélinisation n'est encore disponible. Les chercheurs ont transposé chez l'animal ce qui est observé chez les patients traumatisés crâniens et les mêmes symptômes ont été confirmés. Catherine Marchand-Leroux précise : « Notre modèle de traumatisme crânien est désormais pertinent. Nous allons pouvoir démarrer des essais in vivo avec des molécules dont on sait qu'elles peuvent « faire bouger » le processus neuro-inflammatoire et donc le ratio démyélinisation/remyélinisation. » Objectif final ? Proposer une stratégie thérapeutique. A ce titre, l'équipe est en train de réunir une cohorte de patients, en collaboration avec le Pr Eric Lapeyre, médecin-chef du service de rééducation à l'hôpital d'Instruction des Armées de Percy, afin d'étudier la neuro-inflammation post-traumatique. « Mais c'est un travail de longue haleine, sur plusieurs années », admet la chercheuse qui refuse de donner de « faux espoirs ».
Un stress post-traumatique
En parallèle, l'équipe s'est aussi focalisée sur l'impact, parfois important, du traumatisme crânien sur les troubles cognitifs et du comportement, en s'intéressant particulièrement à la sphère émotionnelle. « Après un TC, on observe souvent des difficultés dans la prise de décision, des déficits de l'attention, de la mémoire ou des apprentissages, explique le Pr Marchand-Leroux mais aussi plus d'anxiété ou d'irritabilité et une augmentation de la prise de risque. » Ce « désordre mental » évoque un stress post-traumatique. Si ce syndrome est bien identifié dans le cadre des opérations militaires et des attentats civils, les données cliniques n'ont montré que très récemment qu'un traumatisé crânien y est prédisposé. Il existe une prise en charge via une thérapie d'exposition aux stimuli de peur, sorte d'extinction conditionnée, qui permet au patient d'apprendre que ces stimuli sont inoffensifs. La chercheuse assure que les résultats sont très « probants » chez l'animal.
Un soutien de poids
Pour mener ses recherches, l'équipe peut compter, en 2019, sur le soutien de la Fondation des Gueules cassées qui, depuis 2002, via son prix annuel (de 50 000 euros), récompense des projets dans le domaine de la traumatologie cranio-maxillo-faciale. En 2018, elle avait soutenu le Pr Chaussain pour ses travaux sur l'utilisation des cellules souches de la pulpe dentaire pour réparer les os de la face et du crâne. « La recherche ne semblant pas être une priorité du gouvernement, conclut Catherine Marchand-Leroux, nous devons trouver des mécènes. Grâce à la fondation des Gueules Cassées, nous avons pu nous équiper avec du matériel et recruter une équipe performante ».