En 2012, en Lettonie, madame AK donne naissance à une petite fille atteinte de trisomie 21 et intente une action en justice contre son médecin parce qu'il ne l'aurait pas informée pendant sa grossesse de la possibilité de faire des tests de dépistage prénatal ; elle avait alors plus de 40 ans et pouvait être considérée comme une patiente avec grossesse à risque. Invoquant l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (« droit au respect de la vie privée et familiale »), la plaignante alléguait en particulier qu'elle avait été privée des soins médicaux appropriés dont elle avait besoin en temps utile, à savoir ce dépistage qui aurait indiqué un risque d'anomalie génétique du fœtus et lui aurait permis de choisir si elle souhaitait poursuivre ou non sa grossesse.
De multiples actions en justice
Ayant été déboutée dans son pays, après plusieurs actions en justice, AK avait saisi la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme, qui regroupe 47 états membres) avec l'intention qu'elle se prononce sur un éventuel « droit à l'avortement » en raison de la santé de l'enfant (dans le cas présent, porteur de trisomie 21). Le mardi 24 juin 2014, la CEDH a fait connaître sa décision : elle n'a pas reconnu expressément un droit à l'avortement au titre de la Convention européenne des droits de l'Homme mais seulement et indirectement un droit à l'information de la femme concernant la santé de son enfant à naître. La Cour n'a donc pas accordé à la requérante, au titre du préjudice matériel (le revenu manqué et l'indemnité pour l'enfant), la somme de 253 000 euros qui était réclamée ; elle a néanmoins consenti 11 000 euros pour le préjudice moral et les frais et dépens.
« Pas un préjudice pour les parents ! »
La Fondation Jérôme Lejeune (qui tient son nom d'un savant français découvreur de la cause de la trisomie 21), réputée pour ses prises de position anti-avortement mais également pour son implication en faveur du droit à la vie des personnes trisomiques, se félicite, dans un communiqué, de cette décision : « Avorter un enfant trisomique n'est pas un droit de l'homme ». Plus explicitement, et c'est en cela que la décision de la CEDH est hautement symbolique, la Cour s'est abstenue de considérer la naissance d'un enfant trisomique comme un préjudice pour sa mère.
Des associations militantes
En réaction cette affaire, engagée depuis de longs mois, une trentaine d'associations européennes, dont la Fondation Lejeune, avaient lancé, dès 2012, une action commune de sensibilisation « Stopper l'eugénisme maintenant pour protéger les personnes handicapées ! ». Elles se sont mobilisées autour d'une déclaration commune « L'eugénisme n'est pas un droit de l'homme » grâce à une pétition en ligne qui a recueilli plus de 10 000 signatures. Lancé fin février 2014, un spot « Chère future maman », déclaration d'amour de personnes trisomiques à toutes les futures mamans du monde, avait également rencontré un vif succès sur internet avec plus de 5 millions de vues.
96 % d'interruptions de grossesse
Rappelons qu'aujourd'hui en France, 96 % des fœtus trisomiques dépistés avant la naissance font l'objet d'une interruption de grossesse. Ce que certains considèrent comme une « éradication » de masse suscite un débat éthique majeur : la vie de ces personnes, qui ont pu en quelques décennies accéder à davantage d'autonomie, ne vaudrait-elle pas la peine d'être vécue ? Face aux fantasmes et aux frayeurs collectives, il est en effet des parents pour dire tout le bonheur qu'ils ont à vivre auprès d'un enfant trisomique…