« On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux. » Les mots d'Antoine de Saint-Exupéry résonnent dans la vaste salle du Carrousel du Louvre, à Paris, qui accueille, le 21 novembre 2022, les Trophées Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés). Des mots répétés. Encore et encore. Tel un refrain. Un écho aux 80 % de handicaps invisibles et un message de tolérance« qui doit dépasser ces murs et être diffusé dans la société », exhorte Deza Nguembock, entrepreneure handicapée et présidente du jury. L'univers féerique du Petit Prince est le fil rouge de cette 17e édition, présentée par Jérôme Anthony. 1 400 personnes sont venues pour célébrer les 60 ans de l'Apajh, saluer quatre initiatives exemplaires en matière d'inclusion et surtout faire la fête !
Du bruit pour le handicap
Après avoir chauffé la salle avec des rythmes endiablés, les Charly's Angels laissent place à Amir, révélé par l'émission The Voice. Le chanteur, sourd de l'oreille droite, se dit « particulièrement ému » et fier que « certains voient en moi, malgré moi, un exemple qu'on peut saluer », confie-t-il, incitant chacun à « trouver un moyen, son moyen propre, de se surpasser, de devenir la meilleure version de soi-même ». Après une balade acclamée par la foule en délire, il chante le dépassement de soi. « Comme je suis conscient que certains ne peuvent pas se lever, c'est moi qui viendrai à vous », déclare-t-il avant un bain de foule « revigorant ». La soirée est rythmée par de nombreux artistes engagés aux côtés de l'Apajh, à l'image de Tété qui interprète son titre A la faveur de l'automne ou encore du comédien Francis Huster qui s'improvise « maître-conteur » des aventures du Petit Prince. Entre deux moments de théâtre ou de danse interprétés par les talents de l'Apajh, issus d'institut médico-éducatif (IME), de Sessad ou encore de foyers d'hébergement, retour dans les années 90 avec le groupe Génération boys band qui provoque une standing ovation.
Une maison d'éditions en FALC primée...
Depuis leur création en 2005, les Trophées ont primé 58 « initiatives remarquables », sur 1 732 en lice. En 2022, 82 dossiers ont été déposés. Parmi eux, quatre se sont distingués, à commencer par Kiléma éditions, dans la catégorie « Ecole et Culture ». Cette nouvelle maison d'éditions de littérature inclusive a ouvert ses portes à Paris en juillet 2022. Exclusivement dédiée au Facile à lire et à comprendre (FALC), elle traduit des œuvres littéraires afin de les rendre accessibles aux personnes présentant des troubles du développement intellectuel. Prochaine étape : « créer des tiers-lieux culturels ». « Le FALC, c'est pour tout le monde !, assure Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées. Il faut continuer nos efforts pour le systématiser, y compris dans les communications de l'Etat. Comprendre l'information est un droit, cela fait partie de nos priorités. »
... mais aussi une salle de change, un parc d'aventure et une biscuiterie !
L'association Marche avec Liam – Handiroom, en partenariat avec la ville d'Arras (Pas-de-Calais), a été primée dans la catégorie « Ville citoyenne et service public » pour sa salle de change accessible au cœur de la ville, la deuxième en France... seulement ! Objectif ? Permettre aux enfants et adultes avec un handicap lourd de pouvoir changer leur protection en toute intimité dans un lieu adapté.
Le parc d'aventure adapté « The Peak », en Charente-Maritime, se distingue quant à lui dans la catégorie sport devant 25 autres projets. Sa valeur-ajouté : mettre en place des outils pour que tous les publics puissent vivre des sensations (personnes à mobilité réduite, avec un handicap sensoriel, un déficit moteur léger ou mental...).
Enfin, la biscuiterie Handi-gaspi (Loire-Atlantique) fait craquer (croquer ?) le jury et remporte le trophée « Entreprise citoyenne ». Installée depuis mai 2022 dans un Esat (Etablissement et service d'accompagnement par le travail), elle confectionne des biscuits bio à partir de pains invendus, « grâce au dynamisme d'une trentaine de personnes en situation de handicap psychique ou mental », selon ses initiateurs. Pour « mettre un pain » au chômage de ce public, encore près de deux fois supérieur à celui de la population générale (14 % contre 8 %, article en lien ci-dessous), et au gaspillage alimentaire ?
« L'innovation doit être l'affaire de tous, de l'Etat qui doit les encourager mais aussi des associations qui les mettent en œuvre », estime Mme Darrieussecq. Le mot de la fin revient à Jean-Louis Garcia, président de l'Apajh : « Fais de ta vie un rêve, et d'un rêve une réalité », incitant les plus jeunes, et les moins jeunes, à « oser ».