Le taux de chômage des personnes handicapées s'établit à la fin du premier trimestre 2022 à 14 % (contre 8 % pour l'ensemble de la population), alors qu'il s'élevait à 19 % avant la crise du Covid-19, un taux encore presque deux fois plus élevé que la population générale. Ces chiffres « encourageants » ont été dévoilés par l'Agefiph (organisme en charge de l'insertion professionnelle des personnes handicapés dans le privé) le 12 mai 2022. Ainsi, le taux de demandeurs d'emploi handicapés se situe à son plus bas niveau depuis cinq ans. Une dynamique « semble-t-il exemplaire » en Europe, selon le fonds.
43 M d'euros consacrées aux mesures exceptionnelles
Pour Didier Eyssartier, directeur général de l'Agefiph, la pandémie pouvait « entraîner des craintes mais les mesures exceptionnelles, largement sollicitées, ont permis un fort développement » des efforts mis en œuvre pour l'embauche et le maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap. En deux ans, 43 millions d'euros ont été consacrés à ces aides pour faire face à la crise, « soit une mobilisation totale des ressources à notre disposition », poursuit-il. Par ailleurs, en 2021, 156 000 aides et prestations ont été financées par l'Agefiph, soit une hausse de plus de 20 % en deux ans.
Des actions « amplifiées »
« L'année 2021 a été marquée par une forte amplification de nos actions que nous poursuivons en 2022 », assure Didier Eyssartier. Cette amplification se caractérise notamment par l'accompagnement de 2 700 nouvelles entreprises, 5 800 organismes de formation conseillés pour améliorer leur accessibilité ou encore le développement du réseau des référents handicap. Il salue au passage le « succès » de la dernière Université dédiée, organisée les 29 et 30 mars à Lille (article en lien ci-dessous), avec plus de 3 000 inscrits en distanciel. « Rendez-vous à Bordeaux pour la troisième édition en mars 2023 ! » Pour Christophe Roth, président de l'Agefiph, ce fonds a su se montrer « agile », sachant s'adapter à la conjoncture exceptionnelle, sans « rupture de rythme » afin de continuer à soutenir « la montée en compétences des personnes handicapées et la sécurisation de leur parcours, au travers de l'offre de services, de la compensation du handicap et du développement de partenariats avisés ».
Moins de chômeurs longue durée et plus d'alternants
L'ancienneté moyenne de l'inscription au chômage des personnes handicapées reste toutefois à un niveau « très élevé » de 909 jours, soit 213 de plus que le grand public qui plafonne à 695 jours. Mais, pour Christophe Roth, cet écart « se resserre », avec une nette diminution du chômage de longue durée : le nombre de demandeurs d'emploi dont l'ancienneté est supérieure à un an a baissé de 10 % entre les premiers trimestres 2021 et 2022. En outre, Didier Eyssartier note également « une explosion » des entrées des personnes handicapées en alternance, avec plus de 8 000 contrats d'apprentissage signés en 2021 (+ 12 % sur un an). La formation professionnelle est « une priorité réelle et continue », a salué Christophe Roth.
Un taux d'emploi qui stagne
Le taux d'emploi en 2021 des travailleurs en situation de handicap n'est pas encore connu, il devrait l'être en novembre 2022. En 2020, ils représentaient 3,5 % de l'ensemble des employés du secteur privé, encore loin du seuil légal fixé à 6 %. « Il n'y a pas à faire un procès d'inertie », selon Christophe Roth qui estime que cette stabilité s'explique notamment par l'augmentation du nombre de salariés handicapés et du nombre de salariés total. Par ailleurs, « les salariés déclarent beaucoup plus qu'avant leur handicap, ajoute-t-il. C'est une bonne chose, qui révèle la baisse de la stigmatisation et une implication plus forte des entreprises ». A ce titre, il tient à saluer les opérations nationales comme le DuoDay -dispositif créé en 2018 permettant à une personne handicapée de partager une journée avec un professionnel pour découvrir son travail- qui visent à « casser les préjugés et les biais négatifs » à leur emploi.
4 % de travailleurs handicapés d'ici 2024 ?
4 % de travailleurs handicapés en 2024 ? C'est le nouveau cap que l'Agefiph s'est fixé, ce qui représenterait une augmentation de 150 000 à 200 000 salariés, en visant notamment des secteurs en tension, comme l'hôtellerie et la restauration, le transport, le bâtiment ou encore le numérique. « France stratégie a récemment indiqué qu'entre 190 000 et 200 000 postes seront proposés d'ici 2023 dans ce secteur », révèle Christophe Roth, qui y voit de « belles opportunités ». Il rappelle également la mise à disposition d'une aide à la compensation pour les personnes à mobilité réduite qui souhaiteraient évoluer dans le secteur du transport.
Lancement du plan stratégique 2023-2027
Pour atteindre cet objectif de 4 %, l'Agefiph mise notamment sur le rapprochement entre Pôle et Cap emploi qui permettra de centraliser les offres et les aides. Par ailleurs, « une nouvelle stratégie est en train de se construire », en référence au lancement prochain du plan 2023-2027, qui fera suite à celui de 2017. Objectif ? Faire le retour d'expérience de la crise Covid et en tirer des leçons. Ce plan a également pour ambition de renforcer l'accompagnement des jeunes mais aussi des seniors handicapés et ainsi d'éviter leur désinsertion professionnelle.
« Moi, j'y crois beaucoup à cette stratégie, assure Christophe Roth. Parce que l'Agefiph de 1987, l'Agefiph de 2000, n'est pas celle de 2022. Aujourd'hui, c'est une expertise de la politique d'emploi et du handicap, ce n'est pas uniquement une association. » Et de conclure : « C'est aussi des délégations régionales impliquées, et c'est avec ce maillage pour tous et avec tous qu'on fera évoluer le taux d'emploi ».