52 %. C'est le taux de pathologies psychiques reconnues comme des maladies professionnelles d'après un rapport de l'observatoire Eurogip, publié en mai 2023. Ainsi, la France figure parmi les premiers pays d'Europe à considérer la santé mentale au titre des risques professionnels. Sur le vieux continent, ce sujet relativement récent est loin de faire l'unanimité. Pourtant, il ne fait plus aucun doute que « les conditions de travail peuvent impacter le bien-être psychique des salariés », affirme Eurogip. Intimidation ou comportements hostiles de la part de collègues, d'usagers ou de supérieurs hiérarchiques, harcèlement, attribution de charges de travail excessives ou au contraire de travail vide de tâche peuvent facilement provoquer dépression, anxiété, troubles de la concentration ou du sommeil, voire un épuisement professionnel, communément appelé « burn-out ». L'exposition à des risques psychosociaux peut d'ailleurs prendre plusieurs formes selon le secteur professionnel concerné.
Une maladie pro difficilement mesurable
Or, de par son caractère invisible et « subjectif », le risque professionnel psychologique est difficilement mesurable. D'abord, à cause de la temporalité. En effet, l'exposition à des risques psychosociaux se fait généralement sur un temps prolongé. « Le lien de causalité entre ce type d'exposition et la survenance de troubles psychiques est moins aisé à établir qu'en présence d'un événement violent ponctuel », admet l'Eurogip. Par ailleurs, il est compliqué d'évaluer objectivement l'origine du trouble psychique qui peut être multifactorielle. « La santé mentale d'un travailleur peut en effet être affectée à la fois par des conditions de travail dégradées et par des facteurs extraprofessionnels », peut-on lire dans le rapport.
Des problèmes de jurisprudence
En termes de droit, elle invite à repenser les définitions nationales de l'accident du travail et à revoir le cadre réglementaire de la reconnaissance des maladies professionnelles. Cinq pays (Danemark, Espagne, France, Italie et Suède) ont malgré tout fait le choix de reconnaître ces pathologies, et ce, sans que ce soit uniquement lié à un épisode unique traumatisant, comme c'est le cas lors de risques traditionnels couverts par les assureurs lors d'accidents du travail. « Ces pays se révèlent donc plus protecteurs et en phase avec certains problèmes de santé mentale nés du travail », souligne Eurogip.
La France, en avance sur ses voisins
Pour pouvoir bénéficier d'une reconnaissance, le salarié doit apporter des éléments de preuve conséquents (témoignages, preuves scientifiques et médicales du lien de causalité avec l'activité professionnelle...). Autre spécificité française : la reconnaissance en accident du travail (AT). L'Hexagone est le pays qui valide le plus de pathologies psychiques en AT, avec un ratio de 50 pour 100 000 assurés, suivi du Danemark (ratio de 33) et de l'Espagne (3). Ainsi, chaque année, la mission de la branche « Risques professionnels » de l'Assurance maladie recense plus de 10 000 affections psychiques comme AT. La France est également pionnière dans la reconnaissance du suicide comme un accident du travail classique, s'il a lieu au temps et au lieu de travail... à moins que l'employeur ne démontre une cause totalement étrangère au travail. Le rapport précise que le « nombre de demandes de reconnaissance et de cas reconnus est en constante augmentation depuis 1996, année de la mise en place d'un système complémentaire de reconnaissance permettant notamment la prise en charge des pathologies psychiques ».