Les troubles psychologiques ou psychiatriques, une vraie menace pour la sûreté de l'Etat ? Ils figurent dans la longue liste du décret 2020-1511 (en lien ci-dessous) publié au Journal officiel le 4 décembre 2020, qui modifie, au même titre que les décrets 2020-10 et 12, le Code de la sécurité intérieure.
Facteur de dangerosité ou de fragilité
A la rubrique « Facteurs de dangerosité », figurent en effet, au même titre que le « lien avec des groupes extrémistes », la « détention d'animaux dangereux » ou la « possession d'arme », les « données relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques obtenues conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ». A la rubrique suivante, on trouve, parmi les « facteurs de fragilité », le comportement auto-agressif (voire tentative de suicides), les addictions et les mesures de protection. Ces données à caractère personnel vont désormais pouvoir être relevées et stockées dans les fichiers « Préventions des atteintes à la sécurité publique et enquêtes administratives liées à la sécurité publique (utilisé lors de certains recrutements dans la fonction publique) ». Plus globalement, ce principe de « petites fiches » très personnelles et à spectre large, paru dans un silence assourdissant, interroge…
6 associations alertent
Ces « décrets discriminants » ont suscité la colère des présidents de six associations du champ du handicap psychique* au motif qu'ils « réduisent à néant les actions menées sur la déstigmatisation dans le cadre du Comité stratégique santé mentale et psychiatrie ». Même s'ils admettent « reconnaître la difficulté de la situation actuelle » et « comprendre » la démarche du gouvernement pour « protéger nos concitoyens en luttant contre le terrorisme et en menant une politique préventive contre les menaces qui pèsent sur la sécurité intérieure », ils « s'indignent de l'amalgame dangerosité-troubles psychiatriques-atteinte à la sécurité de l'Etat ». En dépit des préjugés, les associations dédiées tentent, souvent en vain, de faire savoir que le danger concerne d'abord les personnes vis-à-vis d'elles-mêmes, par ailleurs particulièrement exposées à la maltraitance. Elles ajoutent qu'elles « ont besoin d'une aide médicale et pas d'une inscription sur un fichier ! ». Selon lui, ces données nominatives « violent » par ailleurs le secret médical et constituent une « atteinte fondamentale aux droits du patient ». Elles ont donc adressé un courrier au Premier ministre et aux ministres de l'Intérieur et de la Santé.
Des actions à mener
Pour changer la donne, ce collectif réclame la mise en place sur tout le territoire de centres de crise, d'équipes de soins intensifs ou pratiquant le « aller vers », de dispositifs s'adressant aux jeunes confrontés aux premiers troubles psychiques ou encore le déploiement des formations de type premiers secours en santé mentale. Il suggère par ailleurs que ces dernières soient accessibles aux forces de l'ordre, leur permettant de mieux apprécier les risques et d'apporter les réponses adaptées.
60 millions de plus pour la psychiatrie
Ont-elles été entendues ? Le 5 janvier 2021, Olivier Véran, ministre de la Santé, annonce une enveloppe supplémentaire de 60 millions d'euros qui couvre, en partie, ces attentes (article en lien ci-dessous). Objectif ? Renforcer la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et faciliter le soutien psychologique de l'ensemble de la population, fragilisée en période de crise. Rappelons qu'Emmanuel Macron avait défini la psychiatrie comme une « priorité », en septembre 2018, lors du lancement de la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie ».
En attendant, les associations réclament un rendez-vous avec les pouvoirs publics afin de « présenter les réalités » et ne « plus englober les troubles psychiques dans leur ensemble parmi les menaces qui pèsent sur la société ».
* Advocacy, Argos 200, Association Francophone des Médiateurs de Santé Pairs, PromesseS, Collectif Schizophrénies et Unafam