Troubles de la communication, de l'interaction, absence de contact visuel... Les personnes ayant un trouble du spectre autistique présentent généralement des difficultés dans leurs compétences sociales. Des chercheuses se sont intéressées à cet aspect de la « dyade autistique ». L'objectif : comprendre les mécanismes cérébraux en œuvre pour pallier « ce déficit ». Pour évaluer le lien entre architecture du cerveau et capacités sociales, les scientifiques ont utilisé la technique de l'eye tracking.
Etudier les mouvements de regard
Ces machines dédiées permettent ainsi d'étudier l'orientation du regard vers l'autre, les différents mouvements, les points et temps de fixation. Employée par le service de radiologie pédiatrique de l'hôpital Necker-Enfants malades, associé pour ses recherches à l'Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité), cette méthode a notamment mis en évidence le fait que certains jeunes avec TSA peuvent présenter des compétences sociales plus développées, « proches des enfants au développement typique ». « C'est ce qui est nouveau et intéressant », précisent les chercheuses.
Des comportements différents parmi les personnes autistes
Premier enseignement : qu'ils soient neurotypiques ou non, les enfants ont des comportements de regard différenciés d'une personne à l'autre. Ceux avec des TSA fixent moins fréquemment leurs interlocuteurs dans les yeux mais « la variabilité inter-individuelle importante existe aussi bien chez les enfants avec TSA que ceux avec un développement typique », expliquent les chercheuses. En résumé, si, de façon générale, il y a bien « des anomalies de regard » qui traduisent ces difficultés de capacités sociales chez les enfants avec TSA, celles-ci sont différenciées d'un individu à l'autre. Certains regardent plus les yeux alors que d'autres regardent beaucoup moins, même au sein du groupe des enfants avec TSA. « Ce qui est d'ailleurs en accord avec la clinique de l'autisme, ainsi qu'avec le concept de 'spectre' », poursuivent-elles. En effet, il n'y a pas « un » mais « des » troubles autistiques.
Un mécanisme de compensation cérébrale
Cette « variation inter-individuelle » s'expliquerait par un mécanisme de compensation cérébrale possible qui permet le développement de meilleures capacités sociales. Les scientifiques ont identifié que les enfants avec TSA « plus performants », dont les capacités sociales se rapprochent de celles d'enfants neurotypiques, disposent de « fibres de matière blanche » en nombre plus important dans une zone du cerveau liée aux processus sociaux. Ce sont des câbles de communication qui relient les neurones d'une région du cerveau à une autre et qui participent aux aptitudes cognitives. « Ainsi, nous émettons l'hypothèse que des mécanismes de plasticité cérébrale au sein de cette région pourraient soutenir les meilleures performances observées chez certains enfants avec TSA », déclarent les scientifiques.
De l'importance de l'intervention précoce
Il semblerait que ces capacités sociales soient donc plutôt acquises qu'innées. Cette hypothèse renforce l'idée selon laquelle plus l'apprentissage est réalisé tôt plus il porte ses fruits puisque le cerveau est très malléable. « Une aide à l'apprentissage pour les jeunes avec des TSA est donc non seulement pertinente mais surtout efficace et pourrait avoir un énorme impact sociétal et économique, en facilitant l'intégration des individus avec TSA à la société dans son ensemble », concluent les auteures de l'étude.