Pour échapper à la police, un fils (Artus) et son père (Clovis Cornillac) en cavale sont contraints de trouver refuge dans une colonie de vacances pour jeunes adultes en situation de handicap, se faisant passer pour un pensionnaire et son éducateur spécialisé. Le début des « emmerdes » et d'une formidable expérience humaine qui va les changer à jamais. Un p'tit truc en plus est le premier long métrage (99 minutes) réalisé par l'humoriste Artus, avec, au casting : Marc Riso, Alice Belaïdi, Clovis Cornillac et une dizaine de comédiens en situation de handicap.
5 questions à Artus…
Question : Deux braqueurs en cavale qui se planquent dans une colo pour personnes avec un handicap mental, comment vous est venue l'idée ?
Artus : J'ai toujours eu envie de montrer ce dont elles sont capables ; elles ont un imaginaire incroyable, une magie ou une folie qu'on ne rencontre pas ailleurs. C'est avec elles que je voulais faire un film. Pas sur elles. Le handicap, en soi, n'est pas le sujet. Ce film, c'est une colonie de vacances, avec tous les moments de vie que cela suppose, mais puissance mille parce que l'histoire est portée et jouée par des gens qu'on n'a pas l'habitude de voir au cinéma.
Q : Vous avez été fasciné par Le huitième jour…
A : Oui et, à l'époque, je me suis dit : « Ça y est, ça s'ouvre ! ». Mais la porte s'est refermée aussi sec. J'ai voulu y retourner parce qu'il faut que les choses bougent : les différences sont une force, j'en suis convaincu. Si on peut en rire, c'est sain et c'est mieux. Moi-même, j'ai été gros et j'ai été le premier à faire des vannes sur mon corps… De toutes façons, j'ai un côté sale gosse : plus tu me dis de ne pas aller sur un sujet et plus j'y vais. (Rires). Alors, il y a cinq ans, j'ai commencé à écrire ce film…
Q : Onze acteurs en situation de handicap mental au centre du dispositif, pour un premier film, c'est un pari risqué…
A : C'est ce que tout le monde m'a dit et j'en avais évidemment conscience. Mais, si je ne devais en faire qu'un seul, je voulais que ce soit celui-là. On s'est heurté à beaucoup de refus. On a entendu des phrases complètement dingues : « Bon, ça va, on sait qu'ils existent, on va pas les montrer non plus »… C'est affligeant. Ça raconte la peur, le rejet que suscite le handicap aujourd'hui encore. Et justement, c'est pour ça qu'il faut aller sur ces sujets-là.
Q : Vous êtes parrain des Jeux paralympiques et de Handicap International, quelle est l'origine de votre engagement ?
A : Petit, j'étais très attiré par la fantaisie des personnes porteuses d'un handicap mental, par leur capacité à se décaler. Elles ont souvent cette façon d'exprimer leurs émotions sans filtre. Nous, on est tellement empêtré qu'on arrive rarement à dire « je t'aime/ merci/ je suis content d'être avec toi » simplement.
Q : Et puis, il y a eu une rencontre…
A : Je devais avoir onze ou douze ans quand j'ai rencontré Victor. Il était dans ma classe, autiste, passionné de trains, il me faisait marrer… Donc je l'ai invité à mon anniversaire. Sa mère a téléphoné à la maison : « Pourquoi tu veux inviter Victor ? ». J'ai répondu : « Parce que je l'aime bien ». Je l'ai sentie très émue et elle a enchaîné : « C'est sûr ? Ce n'est pas pour te moquer de lui ? ». J'ai halluciné, c'était la première fois que Victor était invité à un anniversaire. Ce jour-là, j'ai compris que le handicap pouvait, pour certains, être un problème.
Q : Sur scène et sur les réseaux sociaux, vous cartonnez depuis quelques années avec le personnage de Sylvain, grand loustic porteur de handicap mental. Comment est-il né ?
A : Tout est parti d'une impro avec des amis, dans un taxi, à Beyrouth. Sylvain devait tester un truc entre potes. Et puis je suis arrivé à un point de mon parcours où j'avais envie de faire les vannes qui me plaisaient vraiment. Alors, il y a quatre ans, j'ai décidé de le tester sur scène, au festival de Montreux, avec un sketch sur le handisport. Je me suis dit : « Les gens ne sont pas prêts, je vais me prendre des seaux de merde… ». En fait, pas du tout. La Fédération française de handisport l'a même repris sur sa page Facebook. Depuis, je reçois sans arrêt des messages des premiers concernés, qui me disent : « C'est cool, ce genre de vannes, c'est celles qu'on se fait entre nous ! ».
Q : Sylvain est dans votre film, c'était prévu dès le départ ?
A : Pas du tout. Mais mes producteurs, comme mes amis, m'ont poussé à l'intégrer au scénario, mais aussi à jouer moi-même dans ce film. Je voulais y mettre mes tripes, être dans la mêlée. En revanche, il était hors de question d'être dans un rapport vertical avec mes partenaires. Je ne voulais pas qu'on les prenne pour des idiots et c'est pour ça qu'ils me grillent très vite. Au bout de quinze minutes de film, ils comprennent que je joue le « handicapé », on devient complices et ce sont les éducateurs, valides, qu'on prend pour des cons.
Q : Comment les avez-vous castés ?
A : J'ai fait un post Instagram. Je n'avais pas de critère précis, je n'étais fermé à rien, à aucun handicap, mais je voulais des personnalités. Et puis, il fallait que ça marche entre eux pour former la meilleure équipe. J'ai vu une cinquantaine de candidats. Et la force des éducateurs m'a à nouveau bluffé : ils sont payés une misère mais ils viennent parfois de très loin, en minibus, avec deux, trois, quatre adultes dont ils s'occupent… Ils croient en eux, ils aiment leur boulot, ils y vont !
Q : Comment s'est passé le tournage ?
A : La logistique était complexe : quinze rôles, avec, pour chacun, trente-cinq jours de tournage, plus les parents et les éducateurs hors-champ… Je ne voulais pas de comédiens, je ne voulais pas qu'ils jouent mais qu'on soit dans le vrai et que l'écriture soit au plus près d'eux. Arnaud est vraiment fan de Dalida au point de se la tatouer, Boris se balade vraiment déguisé et ce sont ses costumes… Il fallait trouver, avec chacun, une technique spécifique pour les diriger. Pour Ludovic, le mieux c'était l'oreillette. Arnaud préférait que je dise sa réplique avant lui, pour qu'il la répète. Ils ne connaissaient pas le plateau de tournage et ses règles. C'était à nous de laisser vivre, de nous adapter. J'ai dit à mon chef opérateur, Jean-Marie Dreujou, quoiqu'il arrive, il faut qu'on soit sur le qui-vive. Tant pis si on n'est pas officiellement en train de tourner, ce qui surgit, il faut le choper. Ce qu'on voit, à l'image, ce sont des moments vrais. Pas du jeu.
Envie de découvrir l'une des comédiennes à l'affiche ? Mayane-Sarah El Baze nous a ouvert ses portes. A retrouver dans un reportage inédit sur handicap.fr : Mayane-Sarah, une actrice avec " un p'tit truc en plus ".
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