Lancer une série sur le handicap sur la première chaîne d'Europe, c'était un pari osé... L'équipe du Lycée Toulouse-Lautrec l'a relevé. Début 2023, quatre millions de téléspectateurs ont suivi les aventures de ce « lycée pas comme les autres », accueillant des élèves en situation de handicap ou pas. Un cocktail d'audace, de sincérité, de tendresse, d'humour et de tolérance, primé au festival de la fiction de La Rochelle dans la catégorie « Meilleure série de 52 minutes ». Top départ de la saison 2 le 4 mars 2024 à 21h10 sur TF1 (et en streaming sur TF1+) !
« Ni pathos ni donneuse de leçon »
Le deuxième volet promet d'être « encore plus profond, intime et surprenant ! », annonce Anne Didier, directrice artistique de la fiction française du groupe TF1. En attendant, la réalisatrice et productrice, Fanny Riedberger, dévoile la recette du succès de cette « dramédie ». « Nous avons tous été très surpris de ce succès », confie-t-elle. Chine Thybaud, qui incarne Victoire, redoutait le « bad buzz ». « Et j'avais peur que les téléspectateurs n'aient pas envie de voir de personnes handicapées à l'écran », livre-t-elle dans une interview accordée à Handicap.fr (Lire : Saison 2 Toulouse-Lautrec: "On casse encore plus les tabous"). Pour Fanny Riedberger, la force de cette série réside dans le fait qu'elle n'est ni « pathos » ni « donneuse de leçon ». « Quand on la regarde, on se dit : 'J'ai ri, j'ai pleuré, je n'ai plus vu le handicap'. »
Sexe, santé mentale, addictions...
« C'est très vertigineux d'entamer une saison 2 après avoir été si satisfaite de la première. J'étais très angoissée de réaliser ces nouveaux épisodes mais je crois qu'il y a encore beaucoup de choses à raconter », poursuit-elle. En un an, les personnages ont évolué, mûri, et l'arrivée de nouveaux, comme Alice, atteinte d'une maladie invalidante, qui se fait rejeter par sa mère, permet « d'aborder des thèmes habituellement tabous ». Sexe, santé mentale, douleurs physiques, addictions... « Cette saison met en lumière des 'problématiques' que traversent beaucoup d'adolescents, en situation de handicap ou non », souligne sa réalisatrice.
Focus sur les handicaps invisibles
Ce programme met également en lumière les handicaps invisibles, notamment la dyspraxie. « C'était important d'en parler car ça n'existait pas à mon époque, du moins on ne considérait pas ces élèves comme 'handicapés' », livre Fanny, qui a inspiré le personnage de Victoire après trois années passées dans un établissement régional d'éducation adaptée (Erea). « Ces jeunes sont en grande souffrance, ils ne bénéficient pas d'une reconnaissance de leur handicap et donc d'aucune indulgence », ajoute-t-elle.
Des acteurs « transformés »
Au-delà de la sensibilisation du grand public, cette fiction a eu un impact sur les acteurs. « Ça a littéralement changé ma vie, en termes d'expérience professionnelle et humaine », affirme Chine Thybaud. « Je ne connaissais rien au handicap, j'ai tout appris grâce à cette aventure », ajoute Valérie Karsenti, qui incarne Mme Lepic, CPE. « On sort plus riche de ce genre de projets 'hors normes', confie, à son tour, Stéphane de Groodt, qui interprète le proviseur. Il m'a permis de casser la 'barrière du handicap'. Je me suis autorisé très vite à me moquer de certains comédiens handi car c'est tout simplement ce que je fais avec les gens que j'apprécie. » Ness Merad et Hippolyte Zaremba, alias Marie-Antoinette et Jean-Philippe, tous deux en fauteuil roulant, ont, quant à eux, gagné en confiance et assument d'autant plus leur « situation ».
Le véritable lycée exempté de fermeture
Cette série a également eu un impact « énorme », selon Fanny Riedberger, sur l'accueil des élèves handicapés. « Ce lycée public coûte très cher et est régulièrement menacé de fermeture. Il a fait parler de lui grâce à la série, entraînant la visite de la ministre déléguée au Handicap de l'époque, Geneviève Darrieussecq. Depuis, il n'est plus menacé », explique-t-elle. « Une importante bataille gagnée ! » La prochaine ? Essaimer ce « système pérenne ». « Dans les années 1980, ce lycée était un prototype, qui devait ensuite être mis en place dans chaque région, se souvient Fanny, ça n'a jamais été fait... » « Cet établissement n'est pas LA solution mais c'en est une. C'est super l'inclusion mais parfois ce n'est pas possible, certains élèves ne pourraient pas aller dans un lycée ordinaire, sous peine de ne pas être épanouis », conclut-elle, faisant écho au débat de « l'inclusion systématique » des élèves en situation de handicap (Lire : Manif contre l'école 100 % inclusive : indignation!).