Par François Becker
Dans A different man, Edward, atteint d'une neurofibromatose qui déforme son visage, rêve de devenir acteur mais on ne lui propose que des rôles de seconde zone, dans des clips de sensibilisation au handicap. Seule sa voisine, une dramaturge en herbe interprétée par Renate Reinsve, semble lui trouver quelque chose...
Un acteur hors normes ?
Dans ce film en compétition à Berlin, l'acteur et présentateur télé britannique Adam Pearson, qui incarne Edward, partage l'affiche avec l'acteur roumano-américain Sebastian Stan (Captain America) et la norvégienne Renate Reinsve. Prix d'interprétation à Cannes en 2021 pour Julie (en 12 Chapitres), celle-ci fait ici ses premiers pas dans une production américaine. Version sardonique du Elephant man de David Lynch, puisant dans La belle et la bête comme dans Docteur Jekyll et de M. Hyde, le film raconte l'histoire d'Edward, un New Yorkais au visage déformé par la maladie, qui mène une existence triste et solitaire. La date de sortie en France n'est pas encore connue.
Traitement miracle, un cadeau empoisonné ?
L'existence d'Edward bascule lorsqu'il se voit proposer un traitement radical. Il lui permet d'en finir avec sa maladie et de recouvrer d'un coup un visage conforme aux canons de la beauté masculine. Edward quitte tout, oublie sa vie d'avant et se refait avec succès dans l'immobilier. Des années plus tard, le cadeau se révèle empoisonné, lorsque surgit dans sa vie Oswald, un homme aussi handicapé qu'il a pu l'être, mais à qui tout semble réussir.
"Le privilège de la beauté"
"Je suis né avec une malformation au visage qui a été en grande partie corrigée, même si des marques restent", a expliqué à Berlin le réalisateur du film, Aaron Schimberg. "Ces questionnements m'ont accompagné toute ma vie : comment (le handicap) me définissait, pour moi et par rapport aux autres, ce que cela changerait si je n'étais pas né ainsi...". Le film s'amuse aussi du "privilège de la beauté", cette théorie selon laquelle les personnes perçues comme belles se voient accorder, de façon souvent inconsciente, plus de facilité dans la société, au travail comme dans la vie privée. A different man est son troisième film, et le deuxième avec Adam Pearson, qui de son côté avait pu donner la réplique à Scarlett Johansson il y a dix ans dans Under the skin. Mais, pour les acteurs au physique très particulier, le cinéma reste un milieu souvent fermé ou limité à quelques rôles spécifiques.
Un acteur handicapé et l'autre "valide"
"Pour moi, ça a toujours été important de tourner un film sur un personnage avec un handicap au visage avec un acteur concerné, a expliqué le réalisateur. Mais en faisant ça, on m'a dit que c'était de l'exploitation." "Et si vous faites jouer quelqu'un qui n'a pas de handicap, mais seulement du maquillage, cela va contre l'idée de la représentation" du handicap à l'écran, poursuit-il. Pour éviter ce dilemme, "j'ai fait les deux", sourit-il. Dans le film, Oswald est joué par Sebastian Stan, avec une prothèse, tandis que le rôle d'Oswald est tenu par Adam Pearson. "Le public est bien plus intelligent qu'on le pense", a déclaré à Berlin ce dernier, engagé dans la lutte contre les discriminations. "Un bon film va changer la façon de voir du public pour une journée peut-être. Un très bon film va le transformer pour le reste de sa vie."
© X Adam Pearson