"La rentrée se fera dans des conditions de sécurité renforcée. Nous apporterons 30 millions d'euros pour cela". Tweet signé Najat Belkacem, ministre de l'Education nationale, le 31 août 2016 à l'occasion de l'université d'été de la CPU (Conférence des présidents d'université). Quelle rassurante nouvelle ! Jusqu'à ce que l'on apprenne la provenance de ces deniers : le Fiphfp (Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique), c'est à dire l'organisme chargé de collecter les contributions (amendes ?) des employeurs publics qui ne respectent pas l'obligation légale de 6 % de travailleurs en situation de handicap. On se demande alors : "Quel rapport ?".
Comprendre le mécanisme
Il faut, pour répondre à cette question, se pencher sur une petite pirouette budgétaire. Jusqu'à maintenant, les universités ne respectant pas cette obligation d'emploi bénéficiaient d'un taux dérogatoire assez conséquent qui leur permettait de s'exonérer de près de 30 millions d'euros par an (ne s'acquittant ainsi que d'un tiers environ du montant prévu). Or cette "faveur" devait cesser, et la facture devait ainsi passer de 15 millions en 2015 à 40 ou 45 millions en 2016. Mais c'était avant que l'argument sécuritaire, et donc l'urgence à sécuriser les campus, d'un point de vue technique et humain, ne fasse voler en éclat cette perspective, tout au moins pendant un an. Désormais, l'équation est la suivante : plus de vigiles embauchés et moins de personnes handicapées !
Un grand soulagement : pour qui ?
Mais qui s'en offusque ? Le Figaro explique : "Parmi les annonces attendues, c'est sans doute la plus importante. Un fond exceptionnel de l'ordre de 30 millions d'euros va être débloqué par le ministère pour couvrir ces frais (de sécurité), via le Fiphfp." Via ? C'est à dire ? Le Fiphfp serait donc totalement favorable au fait que l'on tape dans ses caisses pour faire face aux risques d'attentat ? Certains n'hésitent pas à parler de "soulagement" ; c'est le cas de Jean-Loup Salzmann, président de la CPU, qui attendait cette mesure depuis un an au motif que la situation financière des universités s'aggrave d'année en année. Mais cette acrobatie budgétaire n'est évidemment pas du goût de personnes handicapées...
Des ponctions en série
D'autant que le Gouvernement n'en est pas à sa première ponction dans les réserves du Fiphfp ; déjà 30 millions prélevés en 2015, reconduits en 2016 et 2017, soit 90 millions au total sur trois ans, et autant sur celles de son homologue du privé, l'Agefiph (article en lien ci-dessous), afin de financer les contrats aidés qui ne sont pourtant pas seulement destinés aux travailleurs handicapés. Une pratique déjà en cours sous l'ère Sarkozy puisque, en 2008, son gouvernement avait lui aussi opéré une saisie de 50 millions d'euros sur les réserves de l'Agefiph. Ce qui n'empêche pas Marie-Anne Montchamp, ancienne ministre déléguée aux personnes handicapées de ce même gouvernement et présidente d'Entreprises et handicap de déclarer aujourd'hui, en réaction à ce nouveau prélèvement : "La politique d'emploi en faveur de nos compatriotes handicapés ne peut en aucun cas être la variable d'ajustement des autres politiques publiques".
Cette enveloppe de 30 millions pourrait même ne pas suffire pour cadenasser les campus et recruter les milliers de vigiles nécessaires. Qu'à cela ne tienne, le Fiphfp pourra peut-être encore "rincer"...
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