« Le moment est venu pour l'Europe de discuter de l'équité vaccinale ! », exhorte l'Alliance européenne de santé publique. Confrontées à plusieurs obstacles et parfois moins aptes à maintenir la distance sociale, « les personnes handicapées ont un risque plus élevé de contracter la Covid-19 et de souffrir d'une forme grave », assure l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Pourtant, au sein de l'Union européenne, elles n'ont pas été expressément incluses dans les groupes prioritaires pour la vaccination, à l'exception de celles accueillies en établissement spécialisé ou exposées à un risque extrême. En l'absence de directive nationale et européenne, les 27 improvisent, créant la confusion et l'incompréhension, parfois au sein d'un même territoire.
Des inégalités territoriales
C'est notamment le cas en Espagne et en Italie où les régions ont élaboré des règles différentes. En Lombardie, par exemple, les personnes handicapées commenceront à recevoir leur première dose le 15 avril 2021, alors qu'en Calabre, en raison de l'affaiblissement du système de soins, les réservations ne débuteront pas avant mai. Au Danemark, c'est le critère d'âge qui prédomine. Ainsi, un trentenaire porteur de trisomie 21 ou vivant avec une sclérose en plaques peut se retrouver à attendre son tour aux côtés de personnes « valides » du même âge. Or, pour rappel, selon les données scientifiques les plus récentes, mentionnées dans l'avis de la Haute autorité de santé, les personnes avec trisomie 21 présentent un risque d'hospitalisation quatre fois plus important et un risque de décès dix fois supérieur à l'ensemble de la population. Raison pour laquelle, en France, elles sont considérées comme prioritaires depuis le 25 janvier 2021.
« Situation confuse et chaotique »
« Le caractère vague des règles nationales concernant l'appartenance des personnes à des groupes prioritaires non liés à l'âge, associé à la pénurie aiguë de vaccins en Europe et à la réticence à la vaccination, a entraîné, dans bien des cas, sur le terrain, une situation confuse et chaotique, laissant de nombreuses personnes handicapées au bas des listes d'attente », déplore le Comité économique et social européen dans une audition du 30 mars 2021, appelant l'UE à agir de toute « urgence » et à « ne pas laisser cette question à la discrétion des Etats membres sur la base de certains indicateurs ». « L'argument de la rareté des cas, au sens large, a toujours été utilisé contre les groupes vulnérables. Le problème se posait déjà avant la Covid. Saisissons l'occasion pour faire émerger de cette situation un changement positif et durable à long terme en faveur des populations vulnérables », exhorte Yannis Natsis, de l'Alliance européenne de santé publique. Pour ce faire, il souligne le rôle « central » des associations de personnes handicapées qui, « grâce à leur expertise sur le terrain, sont à même d'aider l'UE à mieux comprendre comment définir les vulnérabilités ».
Le rôle central des associations
En Lituanie, c'est notamment grâce à une campagne de sensibilisation « active » menée par plusieurs d'entre elles que le gouvernement a décidé d'inclure les parents d'enfants handicapés ainsi que les aidants dans les groupes prioritaires. Même constat en Roumanie où les associations ont fait pression, « non sans accroc », pour que les personnes handicapées non placées en institution reçoivent leur vaccin lors de la deuxième phase, en même temps que les personnes âgées de 65 ans et plus. En Grèce, elles militent actuellement pour la priorisation des personnes aveugles et malvoyantes ainsi que pour les tétraplégiques de moins de 60 ans. L'OMS recommande « vivement » aux gouvernements de « consulter les personnes handicapées, leurs réseaux de soutien et leurs organisations représentatives lors de l'élaboration et la mise en œuvre des plans nationaux de vaccination, afin de recenser les obstacles à l'accès aux activités de vaccination et d'y remédier ».