« Non, je ne peux pas vous prendre. Votre chien va salir mes sièges. » Des phrases comme celle-ci, Thibaut de Martimprey, trentenaire non-voyant, en entend très régulièrement. Client quasi quotidien des taxis et VTC parisiens – notamment pour plus de confort, lié à son handicap –, il est fréquemment victime de refus de prise en charge par certains chauffeurs. La raison ? La présence de son chien guide, Todd. Sans elle, Thibaut aurait beaucoup de mal à déplacer et ainsi à mener une vie « normale » de jeune entrepreneur. « Elle me fait éviter des obstacles. Elle sait trouver les portes, les escaliers, les sièges libres dans le métro… »
Nous l'avons suivi, le temps d'une journée, pour constater cette douloureuse réalité. Ce reportage est à retrouver en vidéo ci-contre mais aussi sur Handicap.live et les réseaux sociaux de Handicap.fr.
« Peur de salir la voiture »
« Certains jours ça va, et puis d'autres, quand on est pressé bizarrement, c'est là que les difficultés s'accumulent... », déplore le jeune homme. Parfois, c'est un refus catégorique ou un échange un peu animé qui nécessite de négocier durant de longues minutes. Les arguments avancés sont variés : « la peur du chien », « la crainte de mouiller ou de salir », ou encore des motifs confessionnels. Pourtant, la réglementation est claire à ce sujet.
Une amende de 150 à 450 euros
Selon, la Délégation ministérielle à l'Accessibilité, « refuser l'accès à un lieu ouvert au public ou à un type de transport (un taxi par exemple) à une personne accompagnée d'un chien guide d'aveugle ou d'assistance, que ce soit pour des raisons confessionnelles, par crainte de l'animal ou qu'il salisse, est un délit qui peut être verbalisé par une amende allant de 150 à 450 euros. Certains corps de métiers peuvent également passer devant une commission disciplinaire, laquelle décidera de la sanction donnée au contrevenant ».
Renforcer la sensibilisation
« Manifestement, ces chauffeurs ne sont pas au courant de la loi ou n'ont pas suivi les formations », observe Thibaut, qui tient à préciser que le chien guide est « extrêmement bien éduqué, très obéissant, très propre. La mienne reste constamment à mes pieds ». D'après lui, il faudrait améliorer la sensibilisation à ce sujet mais aussi renforcer les sanctions : « Malheureusement, en France, comme dans d'autres pays, ce qui marche, c'est la carotte et le bâton. Ce qu'on souhaiterait, c'est vraiment avoir une jurisprudence pour condamner un chauffeur de taxi, un chauffeur de VTC, un restaurateur qui refuse l'accès ».
Réponse de la ministre
Alertée en octobre 2024 sur le sujet par l'athlète déficient visuel Timothée Adolphe, la ministre en charge du Handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, a déclaré sur X avoir « reçu plusieurs signalements de personnes en situation de handicap se faisant refuser l'accès à des taxis ou VTC ». Des faits qu'elle qualifie d'« inacceptables » et qui « contreviennent aux principes de la loi de 2005 ». Et d'ajouter : « Tolérance zéro avec ces discriminations qui font honte à la France ! ». Depuis, aucune annonce officielle n'a été réitérée.
Des initiatives pour former les chauffeurs
Quelques initiatives émergent tout de même pour tenter de changer la donne. En juillet 2023, Uber France lançait par exemple un plan d'action visant à « améliorer l'expérience des passagers en situation de handicap » (VTC: un plan pour améliorer l'accès aux passagers handicapés). Il comprend notamment une vidéo de sensibilisation obligatoire à destination des chauffeurs, qui rappelle qu'un « chien guide n'est pas un animal de compagnie ».
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