Tous les trois jours, une femme est tuée par son compagnon et près de 270 000 sont victimes de violences chaque année. Ce fléau sociétal est au cœur de l'actualité à travers le Grenelle dédié, lancé à Matignon le 3 septembre 2019, qui s'appuie sur l'expertise de douze groupes de travail déclinés dans différentes thématiques. Qu'en est-il en cas de handicap ? Quatre femmes handicapées sur cinq seraient victimes de violence (source FDFA). Selon les données de la permanence téléphonique « Ecoute violences femmes handicapées » (01 40 47 06 06), 35 % de celles signalées auraient lieu au sein du couple, commises par le conjoint, et 60 % interviennent au domicile. Ce peuvent être à la fois des violences psychologiques, majoritairement, et physiques.
Le handicap, axe transversal du Grenelle
« Les questions spécifiques des femmes victimes en situation de handicap seront abordées dans tous les groupes de travail mis en place au sein du Grenelle, c'est un axe transversal, explique Céline Poulet, secrétaire du CIH (Comité interministériel du handicap). Nous avons désigné des experts pour participer aux travaux sur les différents sujets : justice, police, emploi, santé, éducation, logement... ». Un groupe de travail dédié a également été mis en place, piloté par la direction générale de la cohésion sociale et le secrétariat général du CIH, qui, selon elle, « ne traite que des sujets qui ne seront pas pris en compte dans les autres groupes ». Et de mentionner les violences dans les établissements médico-sociaux ou encore les questions de la vie affective et sexuelle. Ce groupe est composé, notamment, de femmes en situation de handicap, d'associations, de professionnels de santé, d'une ARS (agence régionale de santé) et procède à des auditions pour élargir ses réflexions. « Notre objectif est bien de formuler des propositions partagées, à la fois concrètes et ambitieuses », conclut Céline Poulet. Les douze groupes de travail doivent rendre leurs propositions le 28 octobre 2019, avant la conclusion du Grenelle le 25 novembre, à l'occasion de la journée pour l'élimination des violences faites aux femmes.
Le Sénat dénonce l'invisible
De son côté, le Sénat a décidé de « dénoncer l'invisible et d'agir ! ». Sa délégation aux droits des femmes appelle le Gouvernement à intégrer le handicap parmi les priorités de ce Grenelle. Présidée par Annick Billon (UC, Vendée), elle a adopté à l'unanimité un rapport d'information sur les violences faites aux femmes handicapées après avoir été alertée par des témoignages concordants laissant présumer leur exposition particulièrement marquée aux violences, aussi bien dans le cercle familial que dans les institutions spécialisées, évoquant les stérilisations forcées ou les prédateurs sexuels qui sévissent en toute impunité. « Malgré l'absence de statistiques précises sur un sujet encore tabou, cette intuition est confirmée depuis plusieurs années par les travaux de diverses institutions internationales », explique la délégation. Elle constate que « si le handicap accroît le risque de violence, les violences accroissent également le handicap ».
14 recommandations
La délégation sénatoriale, souhaitant que les politiques publiques de lutte contre les violences dans notre pays intègrent ce risque, dévoile, le 3 octobre, quatorze recommandations. Parmi elles : la nécessité d'études actualisés sur ce sujet ou encore l'intensification de la formation et de la sensibilisation de tous les acteurs, professionnels et bénévoles. Mais cela passe aussi par le renforcement de l'autonomie professionnelle et financière des femmes en situation de handicap, pour faire en sorte qu'elles ne soient plus à la merci de leur bourreau. La délégation se dit, notamment, « favorable à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'Allocation aux adultes handicapés (AAH), afin de les préserver d'une dépendance potentiellement dangereuse dans les situations de violences au sein du couple ». Enfin, est évoquée la nécessité d'efforts concrets en termes d'accès aux soins, notamment gynécologiques, et d'accessibilité de la chaîne judiciaire ainsi que des lieux d'hébergement d'urgence. « Nous constatons des difficultés d'accès aux locaux des forces de l'ordre. Les commissariats et les palais de justice ne sont pas toujours accessibles, tout comme les logements d'urgence qui accueillent les femmes handicapées victimes de violences. », observait Jacques Toubon, Défenseur des droits, en 2018.
Dans le champ du handicap, plutôt que de parler de « violence » on a longtemps employé le terme, certainement plus « rassurant », de « maltraitance » ; il faut à présent renoncer aux ambiguïtés, nommer les réalités et prendre en compte la dimension du handicap dans toutes les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes. Annick Billon, appelle « impérativement », lors de l'examen de ce rapport, à des « mesures ambitieuses dans ce domaine, pour que les femmes en situation de handicap ne soient pas les oubliées des progrès annoncés ».