Lecteur de page, logiciels qui permettent de modifier la couleur, la police, l'espacement des caractères ou encore le rendu des menus... Si vous parcourez régulièrement le web, vous avez sûrement remarqué que de nombreux sites proposent dorénavant des dispositifs permettant d'améliorer, aux dires de ceux-ci, l'accessibilité de leurs pages pour les personnes en situation de handicap.
Pas accessible pour autant...
Suivant les dispositifs rencontrés, vous devrez parfois vous inscrire sur tel ou tel site, gratuitement la plupart du temps. La promesse est que si vous croisez, par la suite, d'autres sites affiliés à ce service, la configuration adaptée à votre handicap sera directement disponible pour vous. Il est évident qu'ils séduiront certains utilisateurs, à juste titre, et sont également extrêmement attractifs pour des entreprises ou des organismes soumis à l'obligation de rendre leur site Internet accessible aux personnes en situation de handicap. Et pourtant... Plusieurs voix s'élèvent aujourd'hui pour rappeler que ces options, si elles améliorent l'accessibilité pour certains utilisateurs, « ne sont pas » l'accessibilité numérique. Pire, parfois, elles peuvent nuire à celle-ci. On parle souvent dans ces cas de « superpositions d'accessibilité ». « Non conformes à la législation européenne, ces dispositifs ne constituent pas une alternative acceptable ou un substitut à la modification du site lui-même », avertissent le Forum européen des personnes handicapées (FEPH) et l'Association internationale des professionnels de l'accessibilité (AIPA), dans une déclaration conjointe, le 17 mai 2023.
En effet, l'accessibilité numérique d'une page est déterminée par des normes (principalement le WCAG 2.1 / 2.2, et/ou des normes locales comme le RGAA 4.1 pour la France). Ces normes définissent la manière dont une page web doit être conçue afin de permettre aux utilisateurs handicapés, avec ou sans aide technique (tablette braille, lecteur audio type NVDA, dispositif adapté de pointage, loupes...), d'accéder à l'ensemble du contenu et des fonctionnalités.
Interférences avec les technologies d'assistance
L'objectif de cette publication européenne est de « permettre aux personnes qui ne sont pas expertes en accessibilité numérique de comprendre ce que cette technologie peut et ne peut pas faire », expliquent ses auteurs. Concrètement, les superpositions d'accessibilité sont utilisées pour modifier, adapter l'apparence du contenu en ligne en fonction des besoins de chaque utilisateur. Or la plupart des fonctionnalités offertes copient les fonctionnalités « grand public intégrées » qui existent déjà dans les navigateurs et les systèmes d'exploitation actuels. D'autre part, les utilisateurs de technologies d'assistance ont déjà leurs appareils et navigateurs configurés selon leurs paramètres préférés. « La technologie de superposition peut donc interférer avec la technologie d'assistance de l'utilisateur et remplacer ses paramètres, forçant les gens à utiliser la superposition à la place, détaillent le FEPH et l'AIPA. Cela rend le site moins accessible et peut empêcher l'accès au contenu. » Une situation jugée « inacceptable » par le Forum. « Sensibiliser les utilisateurs aux fonctionnalités courantes serait un moyen beaucoup plus efficace de fournir une assistance en cas de besoin », estime-t-il.
Se rapprocher d'experts et de personnes handicapées
Autre reproche : certaines superpositions détectent automatiquement lorsqu'une technologie d'assistance est en cours d'exécution sur l'appareil. « Cela peut poser problème s'il n'est pas possible de refuser un tel suivi car ces aides techniques sont souvent associées à un handicap, et ces informations sont des données personnelles sensibles », poursuit le FEPH. Par ailleurs, il regrette qu'elles freinent la mise en place d'une véritable politique de mise en accessibilité. Selon le FEPH et l'AIPA, cette responsabilité est du ressort du propriétaire du site web et non de l'utilisateur. Ils conseillent donc « vivement » aux acheteurs de technologie des secteurs public et privé de « s'engager activement auprès d'experts en accessibilité numérique, de personnes handicapées et de leurs organisations représentatives pour comprendre les besoins des utilisateurs et la manière d'y répondre ».
Une poignée de sites conformes
Pour rappel, depuis 2012, tous les sites publics, qu'ils appartiennent aux services de l'Etat ou aux collectivités territoriales, sont soumis à l'obligation d'accessibilité. De plus, depuis le 23 septembre 2019, ils doivent publier une déclaration d'accessibilité et afficher leur conformité dès la page d'accueil. Pourtant, dans les faits, seule une poignée d'entre eux sont « conformes ». En novembre 2022, le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques assurait qu'en « décembre 2023, les démarches en ligne, sites de communication, applications internes les plus utilisés devront atteindre une conformité d'au moins 75 % des critères d'accessibilité numérique, puis en 2027, une conformité totale » (Lire : L'accessibilité totale des sites publics reportée à... 2027). Une toile 100 % accessible, ce n'est donc pas pour tout de suite...