Réflexe de base : on imagine que le bénévolat c'est forcément en faveur des personnes handicapées. On les accompagne en vacances, ont fait leur course, on brise leur solitude. Et pourquoi pas le contraire ? Une personne handicapée ne pourrait donc pas, elle aussi, apporter son aide, ses talents et sa richesse à d'autres ? Celui qui d'ordinaire reçoit peut aussi, à son tour, devenir « acteur », c'est-à-dire celui qui donne.
Encore des réticences ?
Pourtant, les initiatives dans ce domaine sont plutôt rares et autant il est admis aujourd'hui qu'une personne handicapée est tout à fait capable d'occuper un emploi, le chemin est un peu plus sinueux dans le champ du bénévolat. « Nous n'en sommes vraiment qu'aux prémices, explique Monique Bigoteau, vice-présidente de France Bénévolat en Charente-Maritime. Toutes les associations ne sont pas forcément partantes. Il y a encore de réticences, comme pour les migrants qui veulent s'impliquer mais ne parlent pas français. Le milieu associatif n'est que le reflet de la société. »
Un colloque dédié
La dernière « grosse » initiative sur ce sujet remonte à octobre 2016. France Bénévolat organisait un colloque inédit intitulé : « La place des personnes en situation de handicap dans le bénévolat », qui a réuni de nombreuses associations spécifiquement sur ce thème. « Le droit au bénévolat pour tous » est l'une des valeurs inscrites dans la charte de l'association, nourrie par le programme Handi CAP Engagement®. Le credo de France Bénévolat c'est : « Faire pour eux c'est bien, faire avec eux c'est mieux ! ». Ce colloque a permis de mettre en lumière 71 bonnes pratiques et distingué onze lauréats… Mais, en y regardant de plus près, on observe que la très grande majorité des associations engagées agissent déjà dans le champ du handicap. Il faut aller plus loin en sensibilisant celles qui n'ont aucun lien avec le handicap comme l'association À cœur et à crins ; elle accueille des résidents d'un établissement médico-social qui se portent au secours de chevaux rescapés de l'abattoir…
D'autres initiatives
Quelques coups de cœur… « Les Clowns doux », une association limousine, qui propose à des personnes handicapées de se glisser dans la peau de clowns pour aller dans les hôpitaux ou les maisons de retraite afin de proposer aux malades et résidents un moment de partage. Mais aussi des personnes handicapées depuis longtemps qui apportent leur soutien à d'autres récemment frappés par le handicap avec l'APF Drôme. Du côté des Resto du cœur, dans les Hauts-de-Seine (92), des personnes en situation de handicap habituellement prises en charge à l'hôpital de Garches sont intégrées à l'équipe des bénévoles et participent à la vie du centre, à l'accueil des familles et à la distribution alimentaire. En Essonne, un centre, cette fois-ci pour personnes avec un handicap mental, propose également à ses résidents de s'impliquer. Le bénéfice est total : ils sont motivés et vivent un échange enrichissant. Mais les responsables de la structure ont tenté de passer des conventions avec d'autres associations caritatives. En vain !
Un frein personnel aussi
Le frein peut aussi venir des personnes handicapées elles-mêmes. A force d'entendre qu'elles sont vulnérables, en marge, compliquées à gérer, elles n'imaginent pas toujours pouvoir être utiles. Elles sont nombreuses à rester chez elles, sans lien social, sans activité, sans responsabilité. Il y a pourtant mille actions à entreprendre : nettoyer les chemins, faire de la compta, venir en aide aux animaux… Le champ des possibles étant immense, toutes les qualités peuvent être mises à contribution. À Rennes, d'anciens travailleurs de l'ESAT L'Espoir témoignent de leur expérience lors d'ateliers organisés au sein de l'établissement (vidéo ci-dessous). Certains vont partir à la retraite et leurs encadrants tentent de les convaincre « qu'ils savent faire plein de choses, qu'ils ont de l'or dans les mains et plein d'idées dans la tête et dans le cœur » à partager.
Un tremplin vers l'emploi
Une vaste étude a été publiée par France Bénévolat qui, en 40 pages, met en lumière l'intérêt de l'engagement bénévole des personnes handicapées mais également la nécessité d'un environnement et d'un accompagnement favorables à leur accueil car il n'est pas question de les mettre en difficulté. « Lorsque des bénévoles en situation de handicap sont intéressés, on recherche des missions adaptées, poursuit Monique Bigoteau. On téléphone aux associations et les accompagne si besoin pour le rendez-vous. Ça permet de sécuriser les deux parties. » Sécuriser au point que le bénévolat peut parfois constituer un tremplin vers l'emploi, conclut l'étude. Il permet aux personnes de stabiliser leur situation, de se (re)construire, de s'insérer socialement et d'échapper à l'isolement. De reprendre confiance en soi pour aller, pourquoi pas, vers le milieu professionnel.
Julien, un jeune parisien sourd de 25 ans a reçu le Premier Prix « Jeune et bénévole ». Il s'implique auprès d'autres personnes handicapées parce qu'il a du temps libre. Son discours est le suivant : « Je veux les encourager et montrer que, moi aussi, je peux m'intégrer au monde. » Mais c'était en 2015. Il est temps que l'idée fasse son chemin…