Réponses de Malika Boubekeur, conseillère nationale compensation et autonomie de l'APF (Association des paralysés de France).
Handicap.fr : Un nouveau sigle dans le champ du handicap : CDCA. Ça veut dire quoi ?
Malika Boubekeur : Conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie. C'est une nouvelle instance de démocratie locale qui concerne à la fois les personnes âgées et handicapées. Ils remplacent deux instances qui existaient jusqu'à maintenant pour chacun des publics : les Conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH) et les Comités départementaux des retraités et personnes âgées (Coderpa). Ils agiront dans le même esprit que le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) mais à l'échelon départemental. Mis en place sur l'ensemble du territoire, ils vont permettre de renforcer la participation des usagers et de leurs proches, impliqués au sein des associations locales, à l'élaboration ainsi qu'au suivi des politiques publiques qui les concernent, en concertation avec les représentants institutionnels locaux et les professionnels du secteur du handicap et de l'avancée en âge.
H.fr : Il était temps ?
MB : Oui, les acteurs de terrain revendiquaient en effet depuis longtemps d'avoir un véritable rôle à jouer dans la prise de décision locale. Cette instance va pouvoir allier l'expérience des usagers à l'expertise des professionnels afin d'évaluer les besoins puis de proposer des initiatives adaptées ainsi que le suivi et le déploiement local de dispositions nationales. Pour le secteur handicap, nous avions bien le CDCPH mais c'est un dispositif qui rencontrait de grandes difficultés de mise en œuvre. Nous espérons et serons vigilants à ce que le CDCA soit bien activé et qu'il joue pleinement son rôle.
H.fr : Le CNCPH adhère au concept sans réserve ?
MB : Oui car c'est un projet auquel l'APF, et plus largement le CNCPH, ont été associés. Sur le fond, dans la mesure où les principales réserves qu'ils avaient émises ont été levées, le CNCPH a donné un avis favorable. Nous allons néanmoins rester attentifs car même si le texte est très bordé et organise le CDCA dans ses moindres détails, c'est davantage la mise en œuvre locale qui nous préoccupe. Il ne faudrait pas que la politique du handicap se limite à l'autonomie, il y a également toutes les questions liées à la citoyenneté des personnes qu'il faut prendre en compte.
H.fr : Toutes réserves levées sauf une, concernant le pilotage…
MB : Oui en effet puisque les CDCPH étaient animés conjointement par le président du département (élu) et le préfet (nommé). Ce qui nous interroge, dans l'article final, c'est que la présidence du CDCA est confiée au seul président du conseil départemental. Or ce dernier n'a pas vocation à couvrir les questions de transports, d'emploi, d'accessibilité, de scolarisation, d'accès aux soins car son champ d'action est limité à l'autonomie. On tente donc de remettre en exergue le rôle de l'Etat et, de manière plus large, des autres acteurs institutionnels des politiques locales. La présence de l'Etat, comme pour les GIP MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées), permet d'harmoniser les politiques et l'accès au droit. Cela permet aussi plus de collégialité.
H.fr : Pourquoi vouloir rassembler ces deux publics ?
MB : Ce dispositif s'inscrit dans la mise en œuvre de la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV. Les départements ont ensuite été confirmés par la loi NOTRe (nouvelle organisation des territoires de la République) dans leur statut de chef de file territorial des politiques de l'âge et du handicap. L'idée, c'est de dire « On a des sujets en commun », notamment concernant le transport, les aides humaines et techniques, l'adaptation des logements, la question des aidants… Alors nous avons tout intérêt à travailler ensemble pour répondre aux problématiques des personnes en situation de recherche d'autonomie. Nous serons amenés à nous rencontrer, notamment, lors de la réunion plénière du CDCA ou dans le cadre des commissions « mixtes ». Ce sujet est différent de la question des MDA (Maison de l'autonomie) contre lesquelles nous nous mobilisons et qui impactent les GIP-MDPH dans leur fonctionnement. Mais c'est un autre sujet…
H.fr : Les personnes âgées ont-elles à y gagner ?
MB : Oui, certainement car les ex-Coderpa traitaient principalement les problématiques liés aux EPADH (ndlr : maisons de retraite) mais assez peu le maintien à domicile. Ce qui n'était pas le cas pour les CDCPH qui abordaient des thématiques beaucoup plus larges : accès aux soins, à la culture, au droit… Elles vont donc pouvoir compter sur notre expertise.
H.fr : Et pour les personnes handicapées, quel bénéfice ?
MB : Les CDCPH avaient parfois du mal à se tenir du fait de la double animation préfet-département ; on arrivait parfois à des situations « stagnantes ». Et puis, sur certaines questions, le champ des personnes âgées est plus influent et réveille un peu les consciences, par exemple sur celle des aidants ou des transports… L'union fait la force en quelque sorte et nous avons tout intérêt à profiter de l'effet d'aubaine de la loi d'adaptation de la société au vieillissement pour faire passer certaines mesures et idées qui concernent aussi les personnes en situation de handicap. Nous espérons que cela va donner un coup d'accélérateur et permettre aux CDCA de devenir un organe de consultation locale influent.
H.fr : Quand les CDCA seront-ils mis en place ?
MB : Très prochainement. Le décret d'application a été publié le 9 septembre 2016, qui précise leur composition et leurs modalités de fonctionnement. Il appartient maintenant aux collectivités de s'en saisir…
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