«... Une mission, que vous assumez avec conviction, qui vous échoue… ». Oups, elle voulait dire « échoit » ! C'est par quelques mots que Dominique Gillot, présidente du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), a accueilli Sophie Cluzel. La secrétaire d'Etat au handicap venait, le 18 janvier, à l'issue de la première session 2018 de cette assemblée qui rassemble les associations issues du champ du handicap, présenter ses vœux aux membres présents en nombre. Malgré ce lapsus linguae, qui a fait sourire la salle, la présidente du CNCPH entend placer cette année 2018 sous les meilleurs auspices et assure la ministre qu'elle peut « compter sur la loyauté, les avis et les conseils de ce conseil ». Elle espère ainsi que « 2018 verra changer considérablement la considération portée aux personnes handicapées », rappelant malgré tout que les « temps administratifs et politiques ne sont pas les mêmes ».
Vœux de ministre
Sophie Cluzel a ensuite pris la parole. On prétend que c'est la première fois qu'une ministre vient rendre visite pour la nouvelle année à cette instance qui siège pourtant au même endroit, dans les locaux du ministère de la Santé. Mais, pour Sophie Cluzel, c'était une « évidence » ; elle dit vouloir « s'appuyer sur cette assemblée pour faire avancer la politique du handicap et l'effectivité des droits ». La ministre en a profité pour rendre hommage à Maudy Piot, décédée en décembre 2018 et a salué une « belle figure militante qui a mis en lumière les violences faites aux femmes ». Elle s'est ensuite fendue d'une rétrospective des mesures « handicap » qui ont marqué l'année 2017 depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, rappelant une fois encore que le président de la République a souhaité faire de ce thème l'une des priorités de son quinquennat. Elle a observé, au cours de cette campagne, des « débats âpres et rudes qui ont donné lieu à des interrogations, voire de l'angoisse » mais justifié le choix de « ruptures positives ». Et de mentionner plusieurs chantiers en cours…
Chantiers en cours
Tout d'abord une rentrée scolaire plus fluide avec la transformation des contrats aidés en AESH (assistants auprès des élèves handicapés). Ensuite le lancement de la concertation autour du 4ème plan autisme à l'Elysée qui doit « servir de base au gouvernement pour préciser et arbitrer » sa politique « afin de rejoindre les meilleurs standards internationaux ». Dans le cadre de la revalorisation de l'AAH jusqu'à 900 euros en 2019, elle a convenu que le gouvernement « pourrait faire mieux en termes de communication », évoquant à mots couverts certaines mesures collatérales non concertées (changement dans la prise en compte des revenus du conjoint, fusion des compléments de ressources…) qui ont provoqué la gronde des associations (article en lien ci-dessous). Mais renchérit : « Je ne laisserai pas dire que cette revalorisation d'un montant global de 2,5 milliards d'euros se fait au détriment des personnes handicapées ».
Autre mesure en attente : la désignation d'un haut fonctionnaire dédié à la question du handicap dans chaque ministère (article en lien ci-dessous). La liste devait être dévoilée le 10 novembre 2017 mais, selon Sophie Cluzel, « a nécessité des délais plus longs qu'imaginés ». Enfin nommés, ils doivent se réunir le 29 janvier 2018. Pour clore cette rétro 2017, la ministre rappelle qu'elle a « renoué le fil du dialogue avec les départements » qui sont, selon elle, « ses premiers interlocuteurs ». Une lettre a été envoyée à 100 présidents pour les inciter à déployer le système d'information commun à toutes les MDPH dès le 1er semestre 2018.
Et en 2018 ?
Bilan achevé, Sophie Cluzel fait un focus sur deux axes prioritaires pour l'année 2018. Mentionnant à nouveau l'école inclusive, elle réaffirme la nécessité d'un plan de transformation du système éducatif et médico-social. Cela impose de former les enseignants à la question du handicap avec le déploiement, dès la rentrée 2018, d'une plateforme nationale d'information mais aussi de multiplier les modes de scolarisation et de faciliter le partenariat entre l'Education nationale et le médico-social, quitte, selon elle, « à déplacer le centre de gravité » de ce dernier « au sein de l'école ». Elle entend également « améliorer le dispositif d'accompagnement du recrutement » des AESH pour que « 100 % des décisions soient suivies d'effet ».
Le deuxième axe, c'est l'entreprise inclusive. Rentrée chargée dans ce domaine avec pas moins de trois rapports sur ce thème dont deux spécifiquement sur la gestion de l'emploi des personnes handicapées, qui égratignent sans détour les deux fonds dédiés (Fiphfp et Agefiph) mais, selon Sophie Cluzel, « ouvrent de nombreuses pistes ». Quelques priorités (améliorer les prestations de service, mobiliser la voie de l'apprentissage…) mais surtout « refondre totalement la politique de l'emploi des personnes handicapées » qui s'avère « trop cloisonnée ».
Intraitable sur la maltraitance
Trois autres projets ont également été mentionnés : le travail de préparation au projet de loi logement, le projet de simplification des démarches administratives des personnes handicapées confié au député Adrien Taquet et enfin celui « pour un Etat au service d'une société de confiance » qui a, entre autres, pour objectif d'améliorer les relations entre administration et administrés. Dernier sujet abordé : la maltraitance des personnes handicapées sur laquelle Sophie Cluzel promet d'être « intraitable ». Elle fait notamment allusion à la sauvagerie dont a été récemment victime un jeune avec une déficience intellectuelle à Bolbec (article en lien ci-dessous). A l'issue de sa prise de parole, certaines associations ont regretté, en off, l'absence d'annonces sur la compensation, un sujet critique pour de nombreuses personnes dépendantes.
Appel au dico
La ministre a en dernier lieu confirmé la tenue d'une nouvelle Conférence nationale du handicap au printemps 2018, qualifiée de « novatrice et ambitieuse » et de « moment fort pour rendre visible le handicap » à quelques jours de la publication du baromètre du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) qui atteste de son absence dans les medias. Les objectifs 2018 sont donc nombreux mais le plus ambitieux est certainement une révolution sémantique suggérée par Sophie Cluzel qui enjoint, « 12 ans après la loi handicap de 2005 », les dicos à « réviser leur définition du handicap ». Tout un symbole !