Plus d'un actif sur cinq présente « une détresse orientant vers un trouble mental », selon l'étude de la Fondation Pierre Deniker (en lien ci-dessous), présentée le 26 novembre 2018 au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Les troubles psychiques au travail « constituent un véritable enjeu de santé publique », estime cette Fondation pour la recherche et la prévention en santé mentale. Ces pathologies « très fréquentes et invalidantes » affectent 18% de la population. En emploi, elles peuvent engendrer des arrêts de travail « souvent longs et multiples », une productivité limitée, des situations d'invalidité ainsi que des départs à la retraite anticipés. De plus en plus d'entreprises prennent alors la mesure de l'importance de la santé mentale au travail et la nécessité d'une prévention.
Les femmes et les aidants plus touchés
Mais à quoi ressemblent les troubles mentaux ? « C'est un ensemble de maladies impliquant des états psychiques (pensées, émotions) mais aussi des comportements et des relations sociales dysfonctionnels », définit l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Dépression, schizophrénie, addictions, troubles anxieux, obsessionnels compulsifs, bipolaires… « Ils génèrent des coûts directs et indirects pour les individus et la société à plusieurs niveaux, de la pression financière pour les institutions publiques et les entreprises jusqu'au bien-être individuel », explique Raphaël Gaillard, président de la Fondation Pierre Deniker et psychiatre à l'hôpital Sainte Anne (Paris). L'étude affirme qu'ils concernent davantage les femmes -26 %, contre 19 % des hommes- et les aidants -28 %, contre 19 % pour ceux qui n'apportent pas d'aide régulièrement à un membre de leur entourage-. Autres facteurs aggravants : les maladies chroniques, l'absence d'activité physique et le stress, aussi bien dans la vie personnelle que professionnelle.
Déséquilibre vie pro et perso
Certains salariés sont particulièrement exposés au risque de développer un trouble psychique : ceux qui travaillent plus de 50 heures par semaine (35 %, contre 21 % chez les autres), gagnent moins de 15 000 euros par an (30 %), n'ont pas de bureau fixe (33 %), passent plus d'une heure et demie dans les transports par jour (28 %). La filière de l'emploi pèse également dans la balance. Les actifs qui travaillent en finance, en immobilier et en assurance ou dans les transports, les télécoms, le social, l'éducation et la santé seraient davantage touchés. Les facteurs de risque psychosociaux entrent aussi dans l'équation, à commencer par le déséquilibre entre vie personnelle et professionnelle. Toujours selon l'étude, 45 % des actifs qui déclarent ne pas parvenir à mener les deux de front « présentent un haut risque de trouble psychique », contre 18 % pour ceux qui y parviennent. En cause notamment : de longues périodes de « concentration intense » et la nécessité de « s'adapter sans cesse à des choses nouvelles ». Pour les salariés, le fait de ne pas pouvoir s'appuyer sur ses collègues et d'avoir un travail « qui n'est pas valorisant » constitue des éléments majeurs. De leur côté, les indépendants s'inquiètent davantage pour leur avenir professionnel.
Comité de pilotage du handicap psychique
Face à ce constat, le gouvernement s'est emparé du sujet. « Pour mieux prendre en compte le handicap psychique dans tous les domaines de la vie quotidienne, il faut avant tout partir des expériences des personnes concernées et de leurs familles, mobiliser tous les acteurs et renforcer leur coordination », estime Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées. A ce titre, le comité de pilotage national du handicap psychique s'est réuni le 15 novembre 2018 avec l'ensemble des acteurs impliqués. Pour les associations de parents et de personnes handicapées, les gestionnaires d'établissements et de service médico-sociaux (ESMS) et tous les autres, l'heure était au bilan. Ce comité a permis de faire un « point d'étape sur l'ensemble des chantiers engagés (…) en étroite coordination avec la feuille de route santé mentale et psychiatrie ». Cette dernière, dévoilée par la ministre des Solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, le 28 juin 2018, vise à donner une conception « positive de la santé mentale et à promouvoir une approche transversale et territorialisée ».
4 objectifs majeurs
Le volet consacré au handicap psychique se concentre sur quatre objectifs majeurs : développer les dispositifs visant à faire croître la participation des personnes dans la cité, renforcer l'accompagnement vers l'emploi notamment grâce à l'emploi accompagné, puisqu'un bénéficiaire sur deux de ce dispositif présente un handicap psychique. Le gouvernement entend également consolider l'accès et le maintien à un logement autonome ou accompagné -plus de 2 400 places de résidences sociales et pensions de familles ont été ouvertes en 2017 et 2018- et, enfin, améliorer l'accompagnement médico-social des personnes ayant des troubles psychiques sévères et persistants, notamment grâce au dispositif « Un chez soi d'abord ». En 2017, les Agences régionales de santé (ARS) ont bénéficié de 180 millions d'euros pour apporter « des réponses individualisées » à l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Sur cette enveloppe, dix-sept millions d'euros sont consacrés au handicap psychique, dont 25 % aux enfants et 75 % aux adultes.
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