Par Pascale Juilliard
La France va défendre son bilan en matière de droits des enfants, les 13 et 14 janvier 2016 à Genève devant les instances des Nations Unies, qui l'ont épinglée dans le passé sur des sujets allant de la scolarisation des Roms à la pauvreté, en passant par le mal-être des adolescents. C'est la secrétaire d'Etat chargée de l'enfance Laurence Rossignol, entourée de représentants d'autres ministères concernés (Jeunesse, Outre-Mer, Justice ...), qui passera cet « examen » devant le Comité des droits de l'enfant de l'ONU. Quelques semaines plus tard, celui-ci publiera ses observations et recommandations.
2009 : la France se fait tancer
La France a ratifié il y a 25 ans la Convention internationale des droits de l'enfant de l'ONU. Elle vient aussi, le 7 janvier 2016, de ratifier un protocole permettant à un enfant ou son représentant de saisir le Comité, une fois les voies de recours nationales épuisées. Il entrera en vigueur le 7 avril. La précédente audition de la France devant le Comité, chargé du suivi de l'application de cette Convention, remonte à 2009 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. La France s'était alors fait tancer sur la situation des enfants touchés par la pauvreté, notamment ceux issus de l'immigration, ou victimes de « discrimination » comme les Roms et autres groupes minoritaires. Le Comité s'était également inquiété des difficultés de scolarisation des enfants handicapés ou encore des problèmes de santé mentale et de toxicomanie des adolescents.
« Nous allons essayer de faire mieux »
« En 2009, la France n'avait pas donné l'impression qu'elle avait envie de bien faire. Nous allons essayer de faire mieux », soulignait début janvier devant quelques journalistes Mme Rossignol. En prévision de cette audition, de nombreuses instances et ONG ont transmis à l'ONU leurs contributions et y ont été auditionnées ces derniers mois. Des « progrès » ont été effectués dans certains domaines mais « les difficultés d'accès aux droits des enfants les plus vulnérables - pauvres, handicapés ou étrangers - persistent », a regretté le Défenseur des droits Jacques Toubon.
Projet de loi sur famille avorté
L'Unicef France s'est également alarmée du nombre d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté (un sur cinq en 2012), de la situation des mineurs isolés étrangers, de ceux vivant en bidonvilles et du retard pris dans la réforme de la justice des mineurs. Le collectif Agir ensemble pour les droits de l'enfant (AEDE) a regretté que le gouvernement ait renoncé en février 2014 à un grand projet de loi sur la famille, qui devait être conçu « dans l'intérêt supérieur des enfants ». Certains points ont été repris dans deux propositions de loi, mais l'une, portant sur le sujet ultrasensible de l'autorité parentale et adoptée en juin 2014 à l'Assemblée nationale, n'est toujours pas arrivée au Sénat.
Des « carences » pour les enfants autistes et handicapés
La seconde, sur la protection de l'enfance, sera « adoptée et promulguée dans les deux mois », fait valoir Mme Rossignol, qui l'a complétée de mesures dans une « feuille de route » pluriannuelle. Parmi les progrès effectués depuis 2009, elle cite la réforme des rythmes scolaires, les créations de places en crèche qui peuvent contribuer à une « réduction des inégalités » et les mesures de lutte contre la pauvreté des familles (revalorisations exceptionnelles de l'allocation de rentrée scolaire et de certaines prestations familiales). Alors que des parents ont fait reconnaître en justice des « carences » de l'Etat dans la prise en charge de leurs enfants handicapés, notamment autistes, Mme Rossignol signalera les efforts effectués dans le cadre d'un 3e plan autisme lancé en 2013, ainsi que les embauches d'accompagnants d'élèves handicapés.
Les violences éducatives ordinaires
La secrétaire d'Etat devra aussi s'expliquer sur le fait que les « violences éducatives ordinaires » (gifles, fessées ...) ne sont pas interdites au sein des familles. Elle n'a pas l'intention de passer par la loi, car cette hypothèse suscite un débat passionné en France dès qu'elle est évoquée, mais elle veut faire « la promotion d'une éducation sans violence ». Un nouveau « livret de parentalité » a ainsi été rédigé et sera diffusé auprès des futurs parents par les Caisses d'allocations familiales (CAF) à partir d'avril 2016.
A lire : Les enfants peuvent bien attendre
A l'occasion de cette audition, l'Unicef France publie, le 13 janvier 2016, Les enfants peuvent bien attendre, un ouvrage collectif sur l'effectivité des droits de l'enfant en France. Préfacé par Christiane Taubira, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice, le livre recueille 25 paroles d'experts exerçant dans des domaines de compétences divers (sociologues, juristes, médecins, universitaires, professionnels de la protection de l'enfance), dont pour la première fois, celles des trois anciennes et actuelle Défenseures des enfants, qui partagent leurs réflexions sur l'effectivité des droits de l'enfant, aujourd'hui, en France. Son titre laisse entendre le triste constat qui se dégage à la lecture de l'ensemble des contributions.