En vue des élections présidentielles de 2017, handicap.fr souhaite donner la parole à tous les candidats aux primaires des grands partis, puis aux candidats déclarés, sur leur politique handicap. Nous avons donc soumis le même questionnaire, par écrit, aux 7 candidats de la primaire de gauche, qui aura lieu les 22 et 29 janvier 2017 (comme ce fut le cas en novembre 2016 lors de celle de la droite et du centre), et publions les réponses telles qu'elles nous parviennent… Ou pas ! (en lien ci-dessous)
Handicap.fr : Contrairement aux élections précédentes, plusieurs candidats aux prochaines présidentielles semblent vouloir davantage s'exprimer sur la question du handicap. Certains politiques auraient-ils pris conscience que 10% de la population, c'est un électorat qu'on ne peut pas se permettre de négliger ?
François de Rugy : Pas de réponse.
H.fr : Dans cette primaire, qu'est-ce qui vous distingue des autres candidats de gauche sur la question du handicap ?
FDR : Poursuivre les actions innovantes que j'ai eu l'occasion d'apprécier dans ma circonscription et lors de mes déplacements et que des directeurs et présidents d'associations ont su m'exposer avec force, conviction et militantisme. La prise en compte des conditions de travail et de rémunération (bien peu à la hauteur de la nature et des enjeux des missions) parfois complexes, lourdes et exigeantes des personnels qui accompagnent les personnes avec handicaps est une priorité essentielle. Il en va de la qualité des accompagnements et du bien-être des usagers et résidents des établissements médico-sociaux. Le regard a changé depuis les lois majeures sur le handicap qui ont jeté les bases d'une vraie politique d'inclusion. Les moyens dédiés, les grandes recommandations de la HAS, de l'ANESM et de l'ANAP (NDLR : Haute autorité de la santé, Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux et Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) ont permis d'orienter de manière efficiente les accompagnements de qualité, et l'efficience et la démarche d'amélioration continue ont imprégné tous les secteurs pour transformer les pratiques éducatives, thérapeutiques et médicales au profit des personnes avec handicap et de leur famille. Les nouvelles orientations « zéro sans solutions d'accueil et d'accompagnement » produisent leurs effets et seront à accroître après retour des expérimentations mises en place dans un département par région (ex-régions). L'innovation du terrain est irremplaçable, et ces évaluations devront lui permettre d'être valorisée, soutenue financièrement. La création de petites structures de proximité, avec solution d'hébergement pour permettre le répit des familles, devront se multiplier. La mise en œuvre des plans autisme successifs ont permis de réduire notre retard sur ce type de problématique. Ils devront être poursuivis et optimisés, de l'enfance à l'âge adulte.
H.fr : Quelle serait votre mesure phare en matière de handicap si vous accédiez au pouvoir ?
FDR : Pas une mesure mais une position claire : toute action, projet, qui occasionnera des dépenses, des soutiens de l'état, devra comporter un volet écologique et un volet « inclusion et handicap ». Mettre à disposition un véhicule électrique ou hybride adapté à tout travailleur handicapé en entreprise publique ou privée en mesure de conduire. D'autre part, je proposerai de recenser les moyens humains et techniques spécialisés dans l'accompagnement des personnes avec handicaps (quels qu'ils soient) du secteur médico-social, hospitalier et libéral pour les mettre en synergie et créer des pôles ressources et de compétences mobiles pour mailler les territoires en mettant en œuvre les accompagnements nécessaires à toute personne (en complément ou non d'un accueil en établissement médico-social) en situation de handicap, afin que nul ne soit sans un accompagnement de qualité selon ses potentialités et/ou déficiences et limitations de quelque nature et importance, pour agir et vivre de façon la plus ordinaire possible dans la cité.
H.fr : Faut-il réellement jeter la pierre au gouvernement de Manuel Valls, comme l'a fait si souvent l'opposition durant 5 ans, en matière d'accessibilité des lieux publics quand il hérite d'une situation qui a pris du retard sous d'autres majorités que la sienne ?
FDR : De beaux discours et des intentions sous Sarkozy qui, s'il n'a pas osé dire, comme pour l'écologie, le handicap ça suffit, s'est arrêté à l'augmentation de l'AAH (certes essentielle) mais n'a pas anticipé et dégagé les moyens pour l'accessibilité universelle que la gauche a prise à bras le corps. Les plans autisme successifs, les réponses accompagnées pour tous pour qu'il n'y ait plus une situation de personnes handicapées sans solution d'accueil, c'est encore le gouvernement Hollande-Valls qui en est porteur. Tout l'appareil législatif existe pour que le handicap soit effectivement pris en compte afin que les personnes avec handicap trouvent ou retrouvent leur place de citoyens à part entière au sein de notre société. Au quotidien, l'engagement de chacun des acteurs (État, Éducation nationale, associations gestionnaires, établissements sociaux et médico-sociaux, personnels, entreprises privées ou/et publiques, etc) doit faire vivre les valeurs de solidarité, de laïcité et de citoyenneté… Que la société s'enrichisse des différences en ne les niant pas mais en les reconnaissant et les additionnant. Pour ce faire, la création de places sera à poursuivre. L'État devra faire jouer le benchmarking (NDLR : étude comparative) au niveau national et européen pour que les expériences les plus pertinentes puissent être valorisées et dupliquées.
H.fr : Parce que l'école est le nerf de la guerre en termes d'inclusion, « une » mesure phare pour la scolarité des enfants handicapés ?
FDR : Ouvrir une Ulis École, une Ulis Collège, une Ulis Professionnelle dans, respectivement, chaque établissement scolaire du premier degré, chaque collège, chaque lycée professionnel. Dans le même temps, créer pour chaque Ulis, en concertation avec l'ARS (NDLR : agence régionale de santé) et les DASEN (NDLR : direction académique des services de l'Éducation nationale), un service de soin type Sessad (quand il n'en existe pas) pour accompagner les activités pédagogiques adaptées afin de garantir une inclusion pour tous dans les meilleures conditions.
H.fr : Parce que le chômage des personnes handicapées est deux fois supérieur à la moyenne nationale, quelle serait votre mesure prioritaire ?
FDR : Permettre l'accroissement des places en Esat (NDLR : établissement et service d'aide par le travail) existant d'une part et, à partir de ces structures originales, permettre l'inclusion d'équipes de travailleurs handicapés d'Esat dans les entreprises de proximité. Ouvrir des Esat dont la vocation économique s'inscrira dans l'économie sociale, solidaire et circulaire. Pas de charges sociales patronales sur les salaires de tout salarié reconnu handicapé et bonus fiscal à toute PME employant une personne en situation de handicap. Cumul AAH (NDLR : allocation adulte handicapé) avec salaire.
H.fr : Contrairement aux candidats américains qui n'ont pas brillé par l'accessibilité de leur campagne, comptez-vous faire un effort dans ce sens, par exemple vélotypie lors des conférences, sites internet aux normes, accessibilité des meetings, pour que les personnes handicapées puissent elles aussi prendre part au débat démocratique ?
FDR : Après les primaires, les moyens financiers permettront de réserver des places et accès adaptés pour participer à part entière aux meetings : traduction en langue des signes évidemment pour les personnes avec handicap auditif et traduction en braille des programmes présidentiels pour les aveugles.
H.fr : Autre chose à ajouter ?
FDR : Oui. Au-delà de l'accompagnement qui devra être une réalité pour chaque enfant en situation de handicap, il conviendra de mettre en œuvre un accompagnement réel, véritable formation scientifique, explicite pour chaque famille pour laquelle l'annonce douloureuse, injuste, de devoir vivre le handicap au quotidien, dans la solitude, ne peut rester un simple mot, une simple définition aux contours incertains et punitifs. Au-delà, je développerai les services d'aide aux aidants pour que parents, famille au sens large, puissent bénéficier de véritables opportunités de répit, de vacances, de moments pour souffler. Il conviendra d'offrir un véritable statut avec des droits aux parents ou responsables légaux d'enfants avec handicap. Et, enfin, il est urgent de poursuivre la simplification administrative pour la constitution des dossiers MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), et principalement les renouvellements des droits.