Les aidants, privés de grandes vacances?

Alors que des millions de Français partent en vacances, nombre d'aidants sont "assignés à résidence" et s'épuisent, faute de solution d'accompagnement ou de répit. Une récente étude met en lumière la nécessité d'agir avant 2032, un "cap critique".

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Une jeune femme tient les mains de sa maman âgée.

Si pour de nombreux Français les vacances riment avec détente, pour des millions d'aidants elles sont synonymes de culpabilité et de difficultés. « Je ne prévois jamais plus de 72 heures de vacances à la fois », confie Émeline, 40 ans, qui accompagne sa grand-mère âgée de 85 ans. Depuis trois ans, la vie de cette maman solo de trois enfants est rythmée par les transfusions mensuelles de son aïeule, les appels aux médecins, l'organisation du relais en cas d'absence, la logistique, le stress… Et, pour elle comme pour les 9,3 millions d'autres aidants, chaque été agit comme un révélateur de l'isolement et du manque de solutions de répit.

« Je suis partout à 50 %, jamais à 100 % »

« Je suis devenue la chef de famille. Celle à qui on demande des nouvelles. Celle qui connaît tous les codes de la banque, du dossier médical, de la retraite, détaille Émeline. Je suis partout à 50 %, jamais à 100 %. » « Ce sont mes enfants et ma grand-mère qui me demandent si j'ai pensé à m'hydrater », ajoute-t-elle. Et pourtant, elle a la « chance » d'avoir un employeur qui comprend sa situation. Bien que de plus en plus d'entreprises soient « aidants friendly » et proposent par exemple des aménagements d'horaires ou des jours supplémentaires de télétravail, c'est loin d'être toujours le cas...

Une étude sur l'épuisement des aidants

Face à ce constat, l'entreprise O2, spécialisée dans les services à la personne, pour laquelle Émeline travaille, publie une étude afin d'alerter sur « l'épuisement silencieux de cette population et du poids croissant de l'aidance dans une société vieillissante ». Elle plaide notamment pour une meilleure reconnaissance, un aménagement des conditions de travail et un soutien « réel ».

Une pression démographique sans précédent

En 2021, selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), la France comptait déjà 1,27 million de personnes âgées vivant à domicile en perte d'autonomie. D'ici 2060, ce chiffre pourrait atteindre 2,3 millions, avec 500 000 personnes déjà concernées aujourd'hui par une dépendance sévère (GIR 1 et 2). À l'horizon 2032, le pays regroupera plus de 20,8 millions de personnes âgées de plus de 60 ans, « soit une progression fulgurante qui augmentera considérablement la pression sur notre modèle d'accompagnement », souligne O2.

Un secteur à bout de souffle

Face à cette montée en flèche des besoins, le secteur peine à suivre. Selon la Direction générale des entreprises, 250 000 recrutements sont nécessaires d'ici 2032, pour couvrir seulement 12 % des besoins du marché. Selon les syndicats, le turnover reste élevé dans les métiers de l'aide à domicile, reflet d'un manque d'attractivité global. 42 % des employeurs déclarent rencontrer de grandes difficultés à recruter. Actuellement, seules 30 000 créations de postes sont prévues.

« Sans relais professionnels, le système s'effondrera »

En France, 50 % des aidants sont les enfants, 25 % les conjoints. Chaque jour, ils prennent en charge les courses (62 %), les soins médicaux (53 %), les démarches administratives (43 %). « Ce sont les piliers invisibles d'un système qui repose sur leur dévouement. Mais ils fatiguent, vieillissent et s'épuisent, poursuit l'entreprise. Beaucoup d'entre eux sont eux-mêmes à l'aube de la retraite, voire déjà âgés. » Parmi eux, Marie, 58 ans dort peu et peinent à concilier sa vie personnelle, professionnelle et son rôle d'aidante auprès de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. Avec le recul progressif de l'âge légal de départ à la retraite, la capacité de Marie et des autres à accompagner leur proche « pourrait fortement diminuer d'ici 2032. Le risque est alors clair : faute de relais professionnels, la prise en charge pourrait s'effondrer », s'inquiète-t-elle.

2032, un « cap critique »

Mais pourquoi 2032 ? Cette date représente un « cap critique », selon O2, car elle « marquerait, selon plusieurs projections, la convergence de trois dynamiques explosives ». Elle résume en effet à elle seule un engrenage démographique, humain et structurel : l'entrée en dépendance des aidants actuels, le retard du secteur professionnel à recruter et former massivement ainsi qu'une explosion du nombre de personnes âgées en situation de perte d'autonomie.

Renforcer l'aide aux aidants et revaloriser les professionnels

« Aujourd'hui, ce sont les familles qui tiennent le système à bout de bras. Mais cela ne pourra pas durer. Être aidant, ce n'est pas qu'un acte d'amour : c'est un engagement complexe, une charge mentale lourde et parfois un sacrifice personnel et/ou professionnel », insiste O2. « Il est temps que la société reconnaisse que l'aide à domicile est un métier qui exige des compétences, une formation et une vraie considération », exhorte sa directrice des ressources humaines, Tasha Teguia. Elle appelle à « renforcer l'accompagnement des aidants et à poursuivre les efforts pour revaloriser les métiers et les professionnels du secteur, en investissant dans le recrutement, la formation et l'accompagnement ». « Ces métiers porteurs de sens sont essentiels à notre cohésion sociale, conclut-elle. Il en va de notre dignité collective. »

Pour tout savoir sur le rôle d'aidant, les dispositifs financiers et les bonnes pratiques qui leurs sont proposés, consultez notre dossier " Aidants et proches aidants, les soldats inconnus du handicap ".

© Mykhaylo Sahan de Getty Images / Canva

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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