Réforme politique emploi handicap: les asso oubliées ?

La réforme de l'emploi des personnes handicapées est lancée... sans les associations ? Un collectif s'indigne de ne pas avoir été convié à la table de la concertation. Sophie Cluzel riposte. Signe d'une tension plus profonde ?

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Dernière minute le 21 février 2018

Sophie Cluzel annonce, lors d'une intervention devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, le doublement du nombre de représentants des associations issues du CNCPH, qui va donc passer de 3 représentants à 6.

Article initial du 18 février

Ce gouvernement refuse-t-il la concertation ? C'est ce qu'affirme le comité d'entente des associations de personnes handicapées composé d'une soixantaine d'entre elles, dont l'Apajh, l'APF, la Fnath, l'Unapei… Leur voix s'est fait entendre via un communiqué le 15 février 2018 à l'occasion du lancement de la concertation sur la réforme de la politique d'emploi des personnes handicapées avec les partenaires sociaux. Le soir même, trois ministres, Sophie Cluzel (Handicap), Bruno Le Maire (Économie) et Olivier Dussopt (Fonction publique), auxquels est associée Muriel Pénicaud (Travail), mettaient officiellement en œuvre ce chantier visant à faciliter l'accès à l'emploi des personnes handicapées (article en lien ci-dessous).

Ne pas se contenter d'un strapontin

Dans un communiqué commun, ces associations s'indignent de ne pas avoir été invitées autour de la table au titre de la représentation associative. Seuls trois représentants désignés par le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) ont en effet été conviés. Selon ce comité, « sur un sujet concernant des millions de travailleurs handicapés, le gouvernement a choisi une méthode qui ne permet pas la participation des associations de personnes handicapées au même niveau que les autres acteurs ». Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath (asso des accidentés de la vie), refuse de se contenter d'un « strapontin ». « Comment assurer la représentativité des personnes handicapées quand on compte 11 représentants des organisations syndicales et seulement 3 du CNCPH, dont sa présidente Dominique Gillot et aucun représentant des associations de personnes handicapées ? », questionne-t-il. Il juge cette disproportion « hallucinante » et qu'un « équilibre aurait pu être trouvé avec les syndicats ».

Réponse de la ministre

Interrogée à son tour par handicap.fr, Sophie Cluzel se dit « sincèrement surprise par cette polémique », d'autant qu'elle s'est présentée le 8 février devant le CNCPH et assure que « tout le monde était partant » et que « toute ambiguïté avait été levée sur cette concertation ». Selon elle, ce conseil a en effet toute légitimité à « porter la voix des personnes handicapées » et ajoute qu'il est « donc plus sain et démocratique que la ministre s'en tienne à cette représentativité ». Et de poursuivre : « Cette instance porte la parole des associations. Alors c'est à elle de désigner les personnes les plus expertes. Parmi 116 membres, il y a le choix. » La ministre souligne par ailleurs une divergence de calcul : « J'ai insisté pour que le CNCPH ait trois représentants alors que d'autres entités n'en ont que deux. »

La parole aux asso

Mais Arnaud de Broca affirme que les « associations veulent s'exprimer en tant que telles sur un sujet qu'elles connaissent bien » alors que le CNCPH est également constitué de syndicats, de mutuelles… Il redoute ainsi que « les représentants du CNCPH ne puissent porter qu'une position consensuelle, pour respecter sa composition plus large que les associations », et que, dans ce contexte, « au moment d'entrer dans le vif du sujet, il n'ait pas la parole ni aucun poids ». Il assure : « Les associations peuvent, elles aussi, être force de proposition. ». La ministre répond que, via la « consultation » de la commission emploi du CNCPH, les personnes handicapées auront toute leur place dans cette concertation. Arnaud de Broca reconnait que cette commission va être sollicitée « mais de manière complémentaire et pas dans la co-construction ni en étant vraiment assise autour de la table ».

Et sur le fond ?

Pas d'accord sur la forme, qu'en est-il du fond ? Tous convergent vers le même objectif, citant les mêmes mots : « Il faut partir du besoin des personnes ». Et admettent qu'une réforme s'impose dans un domaine qui peine à produire ses effets. Mais lorsque Sophie Cluzel affirme « le milieu ordinaire doit être la norme pour tous » (interview en lien ci-dessous), Arnaud de Broca lui répond que « tout le monde ne peut pas y accéder même si cela doit être une priorité et que les EA (entreprises adaptées) et Esat (Etablissements et services d'aide par le travail) ont toute leur place. » Sophie Cluzel rassure : « Il y a aura un focus sur le travail protégé où les associations gestionnaires seront présentes. »

La goutte d'eau

Cette goutte n'est-elle pas celle qui fait déborder le vase ? Dans un contexte plus global, certaines associations reprochent en effet à ce gouvernement, « un déficit de concertation ». Et de citer les mesures sur les ressources décidées « en catimini » lors du Comité interministériel du handicap du 20 septembre 2017, les contrats aidés, la concertation autour du 4ème plan autisme, l'éducation… Pour Arnaud de Broca, c'est « d'autant plus violent que ce gouvernement ne cesse de clamer qu'il est à l'écoute. Il y a un décalage majeur entre l'affichage et la réalité alors qu'il n'y a aucun intérêt à ce que nos relations soient tendues ». Sophie Cluzel dit « entendre les revendications » dans un contexte où le « rôle des associations est d'être militantes ». Elle reconnait que le gouvernement « avance à marche forcée » pour « faire bouger les choses » mais réfute l'idée qu'il ne rend pas de compte, réagissant à propos du 4ème plan autisme : « Depuis le 6 juillet, toutes les associations sont présentes et je me suis rendue trois fois en séance plénière devant le CNCPH pour en discuter ».

Vers un terrain d'entente

Dans cette partie de ping-pong, chacun se renvoie la balle. Jusqu'au moment où il s'agit de trouver un terrain d'entente… Arnaud de Broca en appelle ainsi à « des relations plus fluides », au risque « de ne pas tenir encore quatre ans comme ça ». De son côté, Sophie Cluzel, « préfère mettre l'énergie à co-construire ». Elle se dit pleinement engagée dans cette nécessaire réforme de l'emploi et conclut qu'il « serait dommage de rater cette concertation, vue l'inefficience de la politique menée jusqu'alors, pour un problème de représentation. ». Campant sur ses positions, le comité d'entente demande néanmoins « à être reçu en urgence par le Premier Ministre pour garantir leur participation effective à cette réforme majeure ».

© Twitter Sophie Cluzel

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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