Rugby : un œil en moins, Florian Cazenave fait son retour

En 2013, Florian Cazenave perd un œil. Pendant 3 ans, ce demi de mêlée doit renoncer au rugby en France à cause de son handicap. La faute au règlement... qui vient de changer et lui permet un nouveau départ dans un club du Top 14 !

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Par Stanislas Touchot

Sa carrière professionnelle s'était brutalement interrompue en juillet 2013 avec un banal accident de féria qui lui coûtait son oeil gauche. Mais Florian Cazenave n'a jamais renoncé au Top 14, qu'il retrouvera cet été à Brive après trois saisons dans l'anonymat du rugby italien.

Interdit aux borgnes !

Le 28 avril 2017, l'ancien demi de mêlée de Perpignan a laissé derrière lui trois ans de sa vie. Blessé à une épaule, il ne pouvait pas jouer le lendemain le dernier match de la saison pour Reggio Emilia, son club du centre de l'Italie. Mais il a tenu à participer, le coeur un peu serré, à une ultime séance avec ses partenaires, arrivés à l'entraînement en ordre dispersé et en tenues dépareillées. Beaucoup lui sont tombés dans les bras. Ces joueurs au niveau incertain, ce stade à une seule tribune et ces vestiaires à la peinture plus qu'écaillée lui ont permis trois ans durant de rester rugbyman et de conserver l'espoir de redevenir un joueur de Top 14. Jusqu'à l'élection à sa présidence de Bernard Laporte en décembre 2016, la Fédération française de rugby interdisait en effet aux personnes monophtalmes (qui ont perdu l'usage d'un œil) de jouer dans l'Hexagone.

Se reconstruire de zéro

« Après la blessure, c'est un gouffre, professionnellement et émotionnellement. Tout m'a glissé entre les doigts et j'ai dû reconstruire de zéro. Ce nouveau départ, ça a été Reggio », a-t-il expliqué à l'AFP. L'immédiat post-accident est fait de douleurs et de cauchemars mais aussi de la volonté féroce de reprendre le fil d'une carrière qui l'a vu disputer près de 100 matches avec l'Usap de 2008 à 2013 et porter le maillot de toutes les équipes de France de jeunes. « J'ai eu des moments très compliqués, bien sûr », raconte encore le joueur, qui se souvient s'être cogné dans des portes ou avoir eu du mal à attraper un verre sur une table. « Mais l'envie de retrouver le rugby français, le Top 14, ne m'a jamais lâché. L'objectif pouvait sembler impensable vu ma situation mais j'ai continué à y croire, quitte à passer pour un fou.»

Des moments compliqués

A Perpignan puis à Reggio, « dans un petit appartement, avec un petit salaire pour avoir à manger », Cazenave travaille alors à gommer son handicap, en compagnie du préparateur physique Philippe Arnaud. « Mon champ de vision est réduit avec un seul œil. Mais on n'utilise pas 100% des capacités des deux yeux, comme on n'utilise pas 100% de celles du cerveau ou du corps. » « J'ai compensé par un port de tête différent, une acuité de l'œil valide beaucoup plus importante, des réflexes neurologiques et intellectuels différents. La répétition des exercices crée un nouveau chemin neurologique, le cerveau réagit de façon automatique. Je gagne du temps, j'anticipe plus. »

Le naturel a repris sa place

Le travail porte aussi sur la posture du N°9 car son angle de vision réduit à gauche ne lui permet plus de trop se pencher pour extraire le ballon d'un maul ou un ruck. « Plutôt que de baisser le tronc vers la balle, je dois descendre sur les jambes en conservant le tronc le plus haut possible pour garder l'angle ouvert. » « Reggio a aussi servi à automatiser cette gestuelle. La première saison, j'y pensais sur chaque ballon. La deuxième un peu moins. Et la troisième, l'instinct est revenu. » Aujourd'hui, Cazenave (27 ans) considère que son œil perdu n'a « plus aucune » influence sur son jeu. « Dans la vie normale, je n'y fais plus attention. Ce handicap fait partie de moi. Pareil sur le terrain. Le naturel a repris sa place. Le nouveau naturel. »

Un nouveau regard sur le rugby

Le récent changement de réglementation en France ainsi qu'un contact toujours maintenu avec le manager de Brive Nicolas Godignon ont fait le reste. « J'ai commencé à regarder à nouveau le rugby, pour la première fois depuis trois ans, et à réintégrer les attentes et les objectifs d'un professionnel. » L'étape suivante, la dernière peut-être, sera de ne plus entendre parler de son oeil gauche. « Je serai content le jour où un mauvais match sera critiqué en tant que tel, pas parce que je suis borgne. Et sur un gros match, j'espère qu'on écrira que j'ai été bon, pas "bon malgré son handicap".»

© Capture d'écran Stade 2 vidéo Youtube

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