Les sous-titrages à la télé, un "calvaire" pour les sourds

Décalages, erreurs de retranscription, voire absence de sous-titrage. La couverture des attentats de janvier sur certaines chaînes a exacerbé chez les sourds le sentiment d'exclusion...

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Par Marie MALZAC

Paris, 8 fév 201 - Décalages, erreurs de retranscription, voire absence de sous-titrage. La couverture des attentats de janvier sur certaines chaînes a exacerbé chez les sourds le sentiment d'exclusion, malgré les efforts de la TV ces dernières années.
Les éditions spéciales sur les chaînes d'information en continu « ont été un vrai calvaire », synthétise Sophie Drouvroy, qui est sourde. Ces chaînes « n'ont pas rendu ces tristes événements accessibles, renchérit Emmanuelle Aboaf, dans la même situation de handicap, je devais attendre le journal de 20h pour comprendre ce qui se passait vraiment ».

De manière générale, « nous avons souvent des décalages de sous-titres notamment pour les journaux télévisés qui varient entre 10 et 30 secondes, ce qui est énorme ! », explique-t-elle.
En France, on estime à 300 000 le nombre des personnes sourdes ; les malentendants seraient quant à eux près de six millions, dont de nombreuses personnes âgées perdant peu à peu l'audition.

« Techniquement, il y aurait une solution, affirme Nicolas About, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ce serait que les signaux de télévision soient envoyés avec 7 à 10 secondes de retard, pour que les laboratoires aient le temps de sous-titrer, mais les chaînes s'y refusent pour le moment, en invoquant la nécessité d'un vrai direct ». « C'est un argument assez insoutenable », estime-t-il.

La loi du 11 février 2005 sur l'accessibilité a imposé dès 2010 aux grandes chaînes de rendre accessibles 100% de leurs programmes, ce qui est globalement respecté. L'option télétexte s'active avec la télécommande.
Quant aux autres chaînes de la TNT dont l'audience est inférieure à 2,5%, elles sous-titrent entre 20 et 60% de leurs programmes. Mais la qualité est loin d'être toujours au rendez-vous, malgré la signature par les chaînes d'une charte sur le sujet en 2011.

« En matière de sous-titrage, le chemin est encore long, surtout pour les directs », constate ainsi Thierry Julien, sous-titreur télétexte et membre de l'association Audiovisuel accessible (AVA), qui dénonce la présence sur les chaînes françaises de nombreux programmes « sous-titrés comme des cochons », « sans respect de la langue et du sens ».

Vexations et frustrations quotidiennes

Mais les chaînes ne contrôlent pas toujours la qualité du sous-titrage.
Le développement du recours à la langue des signes, avec là aussi des exigences de qualité, est également en jeu.
Mais de nombreux malentendants ne la pratiquent pas.

Autre problème : les sous-titreurs pour sourds et malentendants, environ 300 en France, qui bénéficiaient jusqu'à juillet 2014 du régime des artistes auteurs, en ont été radiés, ce qui a entraîné une précarité importante de ce secteur.

« Le plus étonnant, pointe encore Mme Drouvroy, c'est la télévision sur Internet : aucune obligation de sous-titrage pour (ce) média qui est maintenant omniprésent, sur les tablettes, les mobiles ». En outre, impossible de regarder une émission en rediffusion : les « replays » ne sont pas sous-titrés.

Au cinéma, des obstacles se présentent également. Beaucoup de salles n'affichent pas de films sous-titrés et il s'agit seulement de films pour adultes. « Partager un dessin animé en famille, c'est encore impossible en France », souligne Mme Drouvroy, mère d'un petit garçon de 7 ans.

Les ratés du sous-titrage génèrent parfois des séquences cocasses, comme lorsque le sous-titrage de « Questions pour un champion » avait tourné en boucle sur France 3 pendant 24 heures. On avait pu voir s'afficher à l'écran « la question à 1 000 euros » au moment d'une question d'un député au gouvernement.
 Pour les personnes concernées, ces anecdotes représentent « des vexations et des frustrations quotidiennes ». « Je mets au défi n'importe quel entendant de réussir à suivre une émission sous-titrée en direct », lance Sophie Drouvroy.

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