Offrir ses RTT à un collègue c'est désormais possible, depuis déjà quelques temps dans le privé mais aussi dans la Fonction publique. En effet, le 30 avril 2014, le Sénat a définitivement adopté la proposition de loi visant à permettre le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade. Ce texte vieux de deux ans, puisque l'Assemblée l'avait déjà adopté en janvier 2012, n'attendait que l'aval des sénateurs. Il permet donc aux salariés et fonctionnaires de concilier les événements les plus tragiques de l'existence avec leur vie professionnelle. Cette proposition a pris le nom de « Loi Mathis » en hommage à un jeune garçon décédé du cancer du foie en 2009. Les collègues de son père s'étaient « cotisés » pour lui accorder 170 jours de RTT et lui permettre ainsi de l'accompagner dans ses derniers moments.
Quel principe ?
Le principe est simple (nouvel article L.1225-65-1 du code du travail) : à sa demande et en accord avec son employeur, un salarié peut renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris (qu'ils aient été affectés ou non sur un compte épargne temps) : RTT, jours de récupération ou de congés. Il les concède à un autre salarié de son entreprise qui doit assumer la charge d'un enfant âgé de moins de 20 ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident (situation attestée par un certificat médical détaillé). Le bénéficiaire garde sa rémunération, son absence étant « assimilée à une période de travail effectif ».
La demande d'un policier refusée
Le don de RTT était déjà en vigueur dans le privé mais pas dans le public. En février 2013, une affaire avait défrayé la chronique : un policier de Nancy avait réussi à collecter 190 jours de RTT pour rester auprès de sa fille hospitalisée avant de devoir faire face au véto de sa hiérarchie (lire article en lien ci-dessous) faute de cadre législatif sur le don de RTT dans la Fonction publique. C'est désormais chose faite avec ce vote du Sénat. Un décret en Conseil d'État doit déterminer les conditions d'application de ces dispositions aux agents publics civils et militaires. Celui qu'on surnomme le « RTT humanitaire » entrera en vigueur prochainement.
Une loi qui ne fait pas l'unanimité
Mais cette proposition, qui fut présentée à l'origine par un député UMP, ne fait pas l'unanimité. Les sénateurs socialistes se sont abstenus. Quant aux communistes, ils ont refusé de la voter au motif que l'accompagnement des familles doit relever de la solidarité nationale et non individuelle. « La loi présentée comme généreuse va épargner totalement les employeurs de leurs responsabilités et créer des situations d'injustice intolérables entre ceux qui pourront et ceux qui ne pourront pas collecter des jours de repos. »
Même réaction du côté du CIAAF (Collectif inter associatif à l'aide aux aidants familiaux), ajoutant que cette loi ne concerne que les salariés et pas les travailleurs indépendants et professions libérales et risque de n'être applicable que dans les grandes entreprises avec un vaste effectif de salariés. Une solidarité à plusieurs vitesses qui exaspère certains… Sans compter que cette loi ne concerne pas les adultes malades ou handicapés qui en auraient tout autant besoin.