« Belle victoire pour les droits des enfants avec un handicap auditif ! » Dans quelques semaines, Nathan, 7 ans, et Noelly Authier, 11 ans, sourds de naissance, seront accompagnés respectivement 12 et 18 heures par semaine par une codeuse LPC (Langue française parlée complétée) en classe, pour les aider à l'écrit comme à l'oral. Cette décision, qui fait jurisprudence, a été rendue le 4 décembre 2024 par le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon. Après plusieurs mois de combat pour faire valoir leurs droits, c'est un véritable « soulagement » pour la famille et un espoir pour toutes celles concernées par la surdité et, plus largement, le handicap.
Un parcours scolaire brillant
Chez les Authier, tout le monde communique en LPC -ce « code » consiste à accompagner chaque syllabe prononcée par un geste de la main. Cela leur a permis d'avoir un parcours scolaire brillant et d'étudier comme les autres élèves. Mais, en 2022, les choses se corsent, lorsque la famille décide de quitter la région parisienne pour s'installer à Oullins, près de Lyon. Jusqu'alors les enfants bénéficiaient de plusieurs aménagements, notamment un accompagnement, par une codeuse de la société Lopica, de 6 heures hebdomadaires en maternelle pour chacun d'eux, puis 12 heures en primaire pour Noelly, grâce à la notification pour du « matériel pédagogique adapté » (MPA), accordée par la Maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine.
Le renouvellement des droits refusés
Malheureusement, la MDPH du Rhône ne se montre pas aussi clémente. Logiquement, Nathan aurait dû obtenir 12 heures à son arrivée au CP à Oullins et sa sœur 18 heures lors de son entrée en sixième, compte-tenu de l'évolution des besoins académiques des élèves, mais « le renouvellement de nos droits a été refusé, tout comme notre RAPO (recours administratif préalable obligatoire) », une réclamation qui doit nécessairement être effectuée avant de saisir le juge, déplore François Authier. Ils ont donc conservé un accompagnement de 6 et 12 heures.
Un projet de vie réduit à « néant »
« Du jour au lendemain, ils se sont retrouvés 'sans projet de vie' aux yeux de la MDPH, ce qui est très humiliant et en totale contradiction avec les ambitions de la famille », déplore leur avocate, maître Lecomte Dufresne. « Nous avions annexé un projet de vie très développé sachant que nous sommes des parents sourds faisant partie de la première génération à avoir bénéficié du code LPC. Donc une génération ayant eu la pression de démontrer l'intérêt de la LPC dans l'acquisition de la langue française, qui nous permet aujourd'hui de nous sentir pleinement acteurs de la société, malgré les discriminations inconscientes systémiques qui persistent », complète M. Authier.
Des propositions obsolètes
A défaut, la MDPH « nous a proposé un accompagnement par le SSEFS (Service de soutien à l'éducation familiale et à la scolarisation) Recteur Louis de la Fondation OVE que nous avons rencontré pour jouer le jeu et la mettre face à son absurdité puisque nous avons obtenu une trace écrite expliquant que ce SSEFS ne mettait pas à disposition de codeur LPC », raille le père de famille. « Heureusement, nous avons de la persévérance à revendre ! » Bien décidé à obtenir gain de cause, il sollicite l'aide de Maître Maïder Lecomte Dufresne, avocate au barreau de Paris, dédiée au droit des affaires, du handicap et de la santé mentale en entreprise.
Le droit à une scolarité sereine
« Sans codeur LPC, Noelly et Nathan seraient livrés à eux-mêmes, en surcompensation en lisant sur les lèvres de leurs enseignants, de leurs camarades et du personnel périscolaire. Les écoliers handicapés ont aussi le droit à une scolarité avec la même sérénité que leurs semblables, fait valoir leur père. Les personnes handicapées ne doivent pas être des héros au quotidien. » C'est sur cette requête, et en s'appuyant notamment sur la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées et le Code de l'éducation, que Maître Lecomte Dufresne fonde sa plaidoirie. Après plusieurs mois de suspens, le verdict tombe. Triomphant.
Aménagements nécessaires, cours transmis en amont...
Outre la présence d'un codeur LPC en classe, mais aussi lors de tous les examens, épreuves scolaires et devoirs surveillés, attribuée jusqu'en 2028 et 2029 - au-delà, ils devront faire une demande de renouvellement -, la décision prévoit également la mise à disposition de matériel pédagogique adapté « pour toutes les matières en toutes circonstances, en fonction des besoins des élèves ». Mais aussi la mise en place de supports pédagogiques (cours transmis par clé USB ou e-mail en amont afin de les préparer), ainsi que « tous les aménagements nécessaires pour garantir un accès complet à l'éducation adaptée à chacun ». « C'est incroyable, ça n'existe pas ça aujourd'hui ; dans le meilleur des cas, l'enseignant fournit une photocopie ! », estime l'avocate.
Les heures de codage prises en charge par le rectorat de Lyon
Par ailleurs, les heures de codage, habituellement financées par le biais de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et ses compléments, seront désormais prises en charge par le rectorat de Lyon, au motif que « la LPC relève du choix communication des enfants et est leur langue maternelle », précise l'avocate, souhaitant rendre hommage au magistrat M. Notargiacomo, « qui a été extraordinaire et d'une grande compétence ».
« C'est historique, car cela signifie que d'autres juges pourront accorder ces mêmes aménagements à d'autres enfants handicapés », se réjouit-elle. « Ce jugement est un jalon important dans notre vie, mais certainement pas un but en soi. Nous restons mobilisés, vigilants et disponibles pour les autres familles », affirme, de son côté, François Authier.
Un accompagnement effectif dès janvier 2025
Il faudra encore patienter quelques semaines avant de bénéficier de la nouvelle prise en charge, le temps que la décision du tribunal soit notifiée par courrier avec accusé de réception au domicile de la famille et au cabinet d'avocat. Passé le « délai d'appel », qui donne l'opportunité aux deux camps de faire appel de cette décision, cette dernière sera définitive. Les « FANNA » (François, Aurélie, Noelly et Nathan) peuvent donc espérer commencer 2025 du bon pied. Leur vœu pour cette nouvelle année ? « Que notre jurisprudence inspire le plus largement possible les familles trop souvent livrées à elles-mêmes face à un Goliath administratif. »
© Famille Authier