Maltraitance : les enfants handicapés en première ligne

Violence à l'égard des enfants : comment mettre un terme à ces drames de l'ombre et impliquer davantage les médecins de famille souvent démunis face aux suspicions... La fessée est, elle aussi, sur la sellette.

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En Angleterre, les parents d'un jeune homme handicapé mental de 19 ans, suspectant de la maltraitance sur leur fils, ont placé une caméra dans la chambre de son établissement. Les images sont sans appel. Claques, menaces, bousculades… L'éducateur a été condamné courant novembre 2014 à six mois de prison ferme. Mais qu'en est-il lorsque ce sont des parents ou des proches qui font preuve de violence ? Qui pour alerter ? 

La fessée sous haute surveillance

Presque au même moment, le 20 novembre, une date symbolique : la Journée mondiale des droits de l'enfant, qui célèbre le 25ème anniversaire de la Convention internationale Nations unies sur cette question. A cette occasion, Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat chargée de la famille, s'exprime sur la question des punitions, la fameuse « fessée », qu'on appelle aussi « violence éducative ordinaire ». 18 pays membres de l'Union européenne ont déjà interdit les châtiments corporels dans leur législation. « On a rendu les violences faites aux femmes inacceptables, explique la ministre. A la première gifle, vous partez. Mais quel est le curseur pour les enfants ? Rendons les violences faites aux enfants tout aussi inacceptables. Car c'est la dernière violence légale qui s'exerce. On s'émeut, on intervient lorsqu'on est témoin de violences sur un adulte, ou même sur un chien ; on reste bien souvent impassible devant les gestes commis à l'égard d'un enfant. Par cette apathie on considère que c'est un objet, un sujet non pas de droit mais de propriété. » Tout le contraire de ce que défend et promeut la Convention internationale des droits de l'enfant. La ministre souhaite que la France se saisisse de ce sujet. 

Un phénomène mal connu

Si elle est régulièrement illustrée par quelques faits divers retentissants, la maltraitance des enfants reste un phénomène mal connu. Des situations comme la naissance prématurée ou le handicap augmentent ces risques. Ce "drame de l'ombre", qui touche toutes les classes sociales, est "très largement sous-estimé" et "on peut craindre qu'on passe à côté de 90% des maltraitances sur enfants", selon Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS (Haute autorité de santé). En 2006, l'Observatoire de la protection de l'enfance en danger (Odas) recensait 77 500 cas connus d'enfants de moins de 15 ans en danger. Une étude menée par la pédiatre Anne Tursz, directrice de recherche à l'Inserm, a estimé à 250 par an en moyenne (sur 1996-2000) les homicides d'enfants de moins d'un an, comparé à 17 selon les statistiques officielles. La maltraitance des enfants apparait donc comme un sujet de santé publique majeur en raison de sa fréquence.

Quel rôle pour le médecin de famille ? 

Les médecins, en contacts réguliers avec les enfants, sont bien placés pour détecter les cas de maltraitance. Et, pourtant, seulement 5% des signalements proviennent du secteur médical. La HAS a donc élaboré des recommandations pour "les aider à jouer leur rôle". Les "freins" au signalement sont multiples et notamment imputables au manque de formation, à la crainte d'un signalement abusif, au manque de confiance dans les services sociaux. Ceux qui ont franchi le pas sont rarement informés des suites de leur démarche et se plaignent d'"un problème de suivi". "Je suis issue d'une famille très favorisée, et j'ai été maltraitée jusqu'à l'âge de 14 ans. Avant qu'une infirmière scolaire me regarde, et voit que je ne pesais plus que 31 kilos", témoigne Céline Raphaël, aujourd'hui chef de clinique et auteur du livre "La démesure". "Le médecin de famille n'a jamais soupçonné, je pense, la moindre maltraitance puisque c'était un ami de mes parents".

Des signes d'appel qui ne trompent pas

Présenté par la HAS comme "le premier outil de ce genre", le mémo de recommandations, consultable sur son site internet, explique aux médecins les signes physiques et comportementaux qui doivent les alerter. Certaines lésions (fractures, griffures, morsures, ecchymoses) sont des signes d'appel qui ne trompent pas. En cas de suspicion, les médecins doivent agir : faire hospitaliser l'enfant s'il leur semble nécessaire de le protéger sans délai de ses parents, faire un signalement au procureur de la République ou, dans les cas moins urgents, déposer une "information préoccupante" auprès du conseil général. " Les médecins sont incités à "ne jamais rester seuls face à leurs doutes". Ils peuvent notamment se tourner vers l'Ordre des médecins, le centre de Protection maternelle et infantile (PMI), le médecin scolaire ou appeler le 119. Le secret médical ne s'applique pas en cas de sévices sur mineurs. En revanche, la non-assistance à personne en danger et la non-dénonciation de crimes sont sévèrement punies.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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