Pratique para sportive : encore des obstacles à franchir !

Le sport est bénéfique pour tous. Or, en France, seuls 5,5 % des personnes handicapées le pratiquent en club. Manque d'accessibilité, autocensure... Les freins sont nombreux. Des acteurs se mobilisent pour développer la pratique para sportive.

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« Le sport, c'est la santé ». Au-delà des bénéfices physiques, il a des retentissements indéniables sur le plan psychologique. A ce titre, le sport est un droit. Pourtant, seuls 5,5 % des personnes handicapées pratiquent une activité en club, contre 22,5 % des « valides ». En cause : le manque d'accessibilité des équipements sportifs. Mais pas seulement… Comment développer la pratique para sportive et favoriser l'inclusion ? Cette question était au cœur du colloque organisé* le 27 mars 2019, à l'occasion de la Journée nationale du sport et du handicap (JNSH).

Sport sur ordonnance : déclencheur

« Une activité physique régulière diminuerait la mortalité, toutes causes confondues, de 30 % », assure l'ANESTAPS*. A contrario, l'inactivité s'inscrit dans les quatre facteurs de risque principaux de pathologies chroniques. Le sport, remède et allié imparable, y compris en cas de handicap ?  Il y a encore quelques décennies, c'était impensable. Mais, depuis le 1er mars 2017, l'apparition du sport sur ordonnance a changé la donne. Les médecins peuvent désormais prescrire une activité physique adaptée aux patients atteints d'une affection longue durée (ALD), comme le diabète, l'insuffisance cardiaque, l'accident vasculaire cérébral... Les coachs APAS (Activité physique adaptée), notamment, peuvent dispenser ces cours et établir des programmes de réadaptation et d'intégration par le sport. « Nous sommes formés pour les accueillir, assure Mathieu Vergnault, enseignant APA, présent au colloque. Nous leur permettons de prendre du plaisir dans la pratique. » Bon à savoir : « En cas de prescription médicale à visée thérapeutique, les transports sont remboursés par l'Assurance maladie », ajoute Hab-Eddine Sebiane, ambassadeur du Comité paralympique et sportif français (CPSF).

Outil d'inclusion sociale

Au-delà des bénéfices sur la santé, le sport est un vecteur d'inclusion et de cohésion sociale.
Rencontrer, partager, se confronter aux autres. Encore faut-il convaincre le grand public et, ce, dès le plus jeune âge. Pour ce faire, Denis Miguet, directeur départemental de l'UNSS (Union nationale du sport scolaire) et délégué technique de la commission sport adapté a créé un concept singulier, le sport partagé. « Lors des championnats, deux élèves valides sont associés à deux autres en situation de handicap, explique-t-il. Ils vivent ensemble en permanence et peuvent ainsi découvrir les difficultés des personnes handicapées ; c'est une vraie plus-value pour tout le monde ». Pour Marc Truffaut, président de la Fédération française de sport adapté (FFSA), « tout est une question de rencontre. Il faut leur offrir des possibilités de se retrouver ». Pas toujours évident… « Nous avons ouvert nos clubs aux valides mais ils ne viennent pas. Nos adhérents en situation de handicap mental nous disent : 'C'est vachement dur pour eux de s'entraîner avec nous, vous savez'. Alors qui doit faire l'effort ? », questionne-t-il.

Mixité du choix

Comme dans d'autres domaines, l'inclusion à tout prix ne semble pas être l'option la plus populaire dans le sport. « Le modèle français avec ses fédérations spécifiques, ordinaires et un mélange des deux est considéré comme un très bon modèle », ajoute Marc Truffaut. « Nous avons toujours pris exemple sur les pays nordiques mais, aujourd'hui, on en revient un peu de cette inclusion complète ; la pratique des personnes handicapées baisse parce qu'elles ne trouvent pas leur place dans les clubs ordinaires, souscrit Christophe Carayon, adjoint au directeur technique national de la Fédération française handisport. La mixité du choix est très importante ; choisir de faire du sport entre pairs ou avec des 'valides' ». En revanche, « il faut rendre le système universel pour que toutes les personnes handicapées puissent pratiquer où elles le souhaitent ». Dans cet esprit, la licence sport adapté est « multi sports et multi clubs ». Certaines associations préfèrent miser sur la pratique entre pairs. C'est le cas d'Handi-jeunes qui proposent du cécifoot, du para karaté, du foot fauteuil ou encore du torball pour les personnes déficientes visuelles, dans cinq centres parisiens.

Les freins des médecins

En termes de freins, certains médecins restent, eux aussi, réticents, tout comme certains parents. Pour y remédier, une seule solution : informer, communiquer. Selon Marie-Amélie Le Fur, présidente du CPSF, « il faut s'appuyer sur des réseaux de proximité et notamment les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) qui connaissent de potentiels pratiquants et pourront renseigner et rassurer les parents ». Elle souligne également « l'importance de la recherche pour rassurer les médecins et leur montrer que sport et handicap sont compatibles ». En effet, « je ne suis pas sûre que tous les médecins, y compris les médecins du sport, soient formés au handicap, intervient Constance Amelon-Petit, médecin au sein du CPSF. Il ne faut pas hésiter à orienter les personnes vers des professionnels de santé spécifiques » pour obtenir des réponses adaptées. Par ailleurs, « l'inquiétude des familles peut être majorée par le fait que les professeurs d'EPS dans les établissements scolaires ont peur de prendre en charge les enfants handicapés », déplore-t-elle.

Lever l'autocensure

Mais l'un des obstacles les plus difficiles à surmonter reste l'autocensure. Selon une enquête de la Française des jeux (FDJ) de 2015, la peur de se blesser est la première limite, après les facteurs exogènes (manque de temps, de motivation et de moyens), communs à tous les pratiquants, handicapés comme valides. L'accessibilité aux équipements sportifs n'apparaît qu'en quatrième position, à égalité avec le manque de communication. Certains pratiquants ne se retrouvent pas dans l'image « héroïque » que l'on montre des athlètes handicapés qui, pour faire parler d'eux, doivent accumuler les titres olympiques ou livrer des performances hors du commun. Des représentations qui semblent à des années lumières de leur propre pratique et peuvent les décourager. Pour Christophe Carayon, les medias ont un rôle à jouer. « A la télévision, on montre très peu de sport loisir, c'est surtout du haut-niveau ». Chaque année, des initiatives telles que les Journées nationales sport et handicap permettent de découvrir un autre pan de l'activité physique. En France, 27 villes ont participé à cette 7e édition et plus de 10 000 participants ont pu être sensibilisés à la pratique para sportive à travers différentes activités : basket fauteuil, boccia, sarbacane, e-sport adapté ou encore parcours et dégustation à l'aveugle, flashmobs…

Jeux de Paris 2024 : un boosteur

A l'issue de la conférence, l'heure est au bilan. « Un colloque ne doit pas rester un simple lieu de discussion », affirme Julien Jappert, directeur général du think tank Sport et citoyenneté. Ces échanges devraient être pris en compte dans la stratégie nationale du sport et du handicap, élaborée par le ministère des Sports. L'objectif : « simplifier le parcours des sportifs amateurs et permettre aux sportifs de haut-niveau d'obtenir de meilleurs résultats », explique Charles Rozoy, collaborateur de la ministre Roxana Maracineanu. Selon lui, « les Jeux de Paris 2024 vont être un vrai boosteur et permettre à cette stratégie de se mettre en place ». « La question du sport pour les personnes en situation de handicap ne doit pas être secondaire, conclut Marie-Amélie Le Fur. Nous avons cinq ans pour changer le regard, pour que les para-sportifs ne soient plus vus comme des handicapés qui font du sport, mais plutôt comme des sportifs qui ont une spécificité ».

*Par l'ANESTAPS (Association nationale des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives) et le groupe de réflexion européen Sport et citoyenneté.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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