A 34 ans, Anthony Milazzo découvre Bruxelles pour la première fois. Même si la tentation est grande, il n'est pas là pour faire du tourisme... Direction le Parlement européen ! A l'approche des élections européennes du 6 au 9 juin 2024, il souhaite interpeler les députés sur l'accès au droit de vote des personnes en situation de handicap.
14 citoyens (auto)déterminés
3 mars 2024. Quelques heures avant de rencontrer Catherine Amalric (groupe Renew Europe). Aucun stress à l'horizon, « juste de l'excitation ! », assure Anthony, président du conseil de la vie sociale de la résidence Plurielle - Adapei 69. Bien décidé à faire entendre sa voix (voie ?), il est venu en équipe, avec neuf autres résidents d'établissements médico-sociaux (instituts médico-éducatifs, foyers de vie ou d'accueil médicalisé, ESAT...) avec autisme, déficience intellectuelle ou handicap psychique. La plus jeune vient de souffler sa dix-huitième bougie, les doyens ont plus de soixante ans. Quatre professionnels les accompagnent. « C'était important de nous déplacer en personne pour montrer que l'on est capable de s'exprimer par nous-même et que l'on ne veut pas qu'on parle à notre place », indique Anthony.
Tous les documents importants en FALC
Ensemble, ils préparent ce périple depuis des mois. L'objectif est double : comprendre les missions de l'Europe et revendiquer leurs droits. Première étape : expliquer ce qu'est l'Union européenne, via une édition en Facile à lire et à comprendre (FALC) de la Charte des droits fondamentaux. Après l'avoir étudiée, « nous la remettrons à nos interlocuteurs au Parlement pour qu'ils puissent s'en inspirer et la diffuser », explique Anthony. « Nous avons des droits, nous avons besoin de les comprendre si nous voulons les appliquer. Pour cette raison, tous les documents importants doivent être traduits en FALC », réclame le collectif.
La nécessité de pouvoir voter seul
Dans leur valise, un manifeste de seize pages qui contient les sujets à évoquer avec les députés et ses principales recommandations. En tête de liste : le droit de vote. « Même s'il est inscrit dans la loi, dans les faits, il n'est pas adapté à toutes sortes de handicap », constate Anthony. Lorsqu'Aurélie reçoit les programmes électoraux, elle ne les comprend pas. C'est donc son père qui les « décrypte » pour elle mais elle aimerait « se faire son propre avis ». Quant à Stephen, non-lecteur, il est contraint d'être accompagné pour voter. « Il n'y a pas de pictogrammes ni de vidéo pour m'aider à le faire seul », déplore-t-il.
Former et informer sur le monde politique
Pour changer la donne, le collectif exhorte notamment à traduire en FALC et en braille les démarches d'inscription sur les listes électorales ainsi que les programmes des candidats. Il recommande également d'ajouter un QR code menant vers une vidéo qui résume le programme de la manière la plus compréhensible possible. Autres recommandations : créer une plateforme d'informations simplifiées sur les élections ou encore former les personnes en situation de handicap au monde politique et à ses institutions, via un guide en FALC transmis à l'école, en IME, en ESAT, dans les foyers... Ce déplacement a également pour objet de sensibiliser à l'accessibilité des lieux publics.
Place à l'autodétermination !
Dernier sujet évoqué : l'autodétermination et la transformation des établissements médicosociaux. « Si ces structures n'existaient pas, je serais paumé, livré à moi-même, en grande difficulté, détresse, livre Anthony. Et puis, vivre en famille, c'est difficile, on n'est pas libres. La famille impose ses convictions et ne laisse pas l'occasion aux personnes de faire leur propre expérience, de décider pour elles-mêmes. Elles sont considérées comme des enfants, des personnes à protéger tout le temps, des personnes qui ne sont pas capables. » A contrario, dans sa résidence, le trentenaire se sent « acteur de sa vie ». Il estime toutefois qu'il faut adapter les établissements, en les rendant notamment « plus souples et ouverts sur l'extérieur ». Le groupe revient en France le 5 mars avec de nombreuses réponses et « l'espoir d'être (enfin) entendus, inclus et surtout cesser d'être infantilisés ! ».
© Adapei 69