442 millions d'euros pour le budget de l'Agefiph (fonds dédié à l'emploi des personnes handicapées dans le privé) en 2023 contre 553 millions en 2021 ? Soit 111 millions de moins ? Une seule petite ligne dans l'Article 15 (page 66) du Projet de loi de finances pour 2023 « adopté » en force via un 49.3, un temps passée inaperçue, a fini par agiter l'écosystème du champ du handicap. Si, en 2023, les collectes réalisées par l'Urssaf, pour le compte de l'Agefiph auprès des entreprises qui ne satisfont pas à leur obligation d'emploi de travailleurs handicapés, dépassent la somme inscrite dans ce projet de loi, seront-elles reversées au budget de l'Etat pour une toute autre affectation ? D'autant que cette « ponction » pourrait devenir statutaire et donc possible chaque année... Panique générale !
Pas de raison de s'inquiéter ?
Contacté par Handicap.fr, l'Agefiph assure « passer son temps à rassurer ». Le fonds dit avoir « fait toutes les démarches pour s'assurer que ce n'était pas une offensive de Bercy » (ndlr : le ministère des Finances) et « toutes les contributions collectées par l'Agefiph lui seront bien reversées », et ce même si elles sont supérieures au chiffre de 442 millions défini comme un « rendement prévisionnel ». Donc, selon lui, pas de raison d'être inquiet ni de « mauvaise surprise » en vue. Et ce chiffre de 442 millions, d'où sort-il ? On ne sait pas...
Les agences d'Etat citées dans cet article 15 ne voient leur budget limité que si elles figurent aussi dans le tableau de l'article 46 de la loi de finances pour 2012 qui établit la liste des taxes affectées plafonnées, répond de son côté la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) le 28 novembre 2022. Or, selon elle, ce ne serait pas le cas de l'Agefiph. Elle affirme donc à son tour que « l'ensemble du produit de cette taxe lui sera affecté ».
Rétropédalage à plein nez ?
« Ca sent le rétropédalage à plein nez », suspecte un entrepreneur en situation de handicap mobilisé sur le sujet qui assure que le « gouvernement a été alerté de toutes parts », jusqu'à l'Elysée. Cet émoi a fait l'objet d'une question ouverte du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) et a interpellé le CNH (Conseil national du handicap). Il est vrai que chat échaudé craint l'eau froide ; l'Agefiph a déjà été victime de « ponctions » via différentes lois de finances par le passé (sous Hollande et Sarkozy). 50 millions en 2008, plus 29 millions et autant sur le budget du Fiphfp (son équivalent pour la fonction publique) en 2015 pour financer les contrats aidés. Puis rebelote en 2017 avec 30 millions en moins pour le Fiphfp afin de financer... la sécurité sur les campus universitaires. En dépit des affirmations des pouvoirs publics qui se veulent rassurantes, les militants du handicap refusent de céder au chant des sirènes et promettent de ne pas baisser la garde !
Un budget en hausse ?
Le budget de l'Agefiph devrait donc poursuivre sa progression sans embûche ? Déjà en hausse de 20 % entre 2021 et 2022, « la tendance est à l'augmentation des contributions dans les cinq prochaines années », promet-il, et cela grâce à deux effets de la réforme de l'Obligation d'emploi des travailleurs handicapés de 2020. En premier lieu, chaque établissement de 20 salariés est désormais assujetti à l'obligation d'emploi et non plus seulement au niveau du « groupe », ce qui a permis d'augmenter le nombre de contributeurs. Deuxième effet d'aubaine, la fin des accords d'entreprises, des actions qui visaient à impulser une politique d'emploi sans pour autant contraindre à recruter, va les obliger à contribuer si elles ne respectent pas le taux de 6 %. Le budget 2023 ne sera soumis au vote du Conseil d'administration qu'en février et « si l'on se rend compte qu'il est à la hausse en cours d'année, on fait un budget modificatif pour en tenir compte », explique l'Agefiph.