20 juillet 2020. Après plusieurs semaines de flottement, les masques deviennent obligatoires dans tous les lieux publics clos. Cette habitude pourrait bien s'inscrire durablement dans notre quotidien, au grand dam de certains publics qui peinent à communiquer face à ces visages dissimulés. Très tôt, la situation des personnes sourdes, qui lisent sur les lèvres, a été évoquée (articles en lien ci-dessous). Mais pas que ! Certaines personnes avec un handicap cognitif ou intellectuel ont également besoin de décrypter les expressions du visage pour que le message puisse passer. Face à cette problématique, partout dans le monde, des créatifs bien inspirés se sont mis à coudre des masques avec fenêtre transparente, afin de laisser apparaître les lèvres. Un coup de pouce bienvenu de ces petits fabricants mais qui n'entrait dans aucune case de la réglementation relative aux masques.
Tests exigés
Il fallait donc faire les choses dans les règles pour proposer sur le marché, à grande échelle, des modèles répondant aux normes de sécurité sanitaire. A l'initiative du secrétariat général du Comité interministériel du handicap, la DGE (Direction générale des entreprises) va tout de suite accompagner les fabricants, notamment sur le choix des matériaux. Pour la phase de tests, priorité sera donnée à ces masques auprès de la DGA (Direction générale des armées) qui est chargée de contrôler la perméabilité et la filtration des prototypes. Les premiers essais sont prometteurs… Il reste néanmoins quelques adaptations à faire car la fenêtre plastique occupe la majeure partie du masque, ce qui peut gêner la respiration et créer une zone de rétention de CO2 pouvant être délétère pour le porteur. L'ajustement sur le visage est également à optimiser pour pouvoir garantir une efficacité de protection identique à celle du grand public.
Une véritable urgence
Les experts de la DGA ont continué à accompagner les fabricants pour améliorer les prototypes et ont proposé une adaptation du cahier des charges interministériel des masques grand public. Elle a été transmise aux autorités de santé qui ont confirmé l'innocuité de cette nouvelle catégorie. Les fabricants ont donc été appelés à transmettre de nouveaux prototypes répondant aux recommandations de la DGA afin que de nouveaux tests puissent être réalisés sur cette base. « C'était vraiment une course contre la montre, explique Céline Poulet, secrétaire générale du Comité interministériel du handicap, car on sentait la demande très pressante. » Elle se réjouit que tant d'acteurs se soient aussi rapidement mobilisés sur ce projet face à l'urgence. Le gouvernement annonce en effet dans un premier temps que les masques seront obligatoires à partir du 1er août, avant de ramener cette échéance au 20 juillet. Si les versions « tissu » et jetables homologués ont déjà recouverts nos visages, le masque transparent devait encore faire ses preuves…
Made in France
18 juillet, bingo ! Deux modèles sortent du lot, répondant aux recommandations fixées par la DGA, qui donne ainsi son feu vert pour leur mise en circulation. L'un s'appelle Masque Inclusif®, conçu par une start-up française et produit par APF Entreprises (France Handicap). Il séduit le groupe Amazon qui décide d'en équiper les collaborateurs de ses centres de distribution en France. « C'est fantastique, avec ce masque je peux enfin être protégée et parfaitement connectée à mes collègues. Tout le monde ne réalise pas ce qu'un simple sourire peut dire quand on peut le voir ! », explique Marina, une préparatrice de commande sourde. 500 masques seront ainsi livrés, dans un premier temps. L'autre se nomme Masque Sourire®, produit par Odiora, une société qui s'est engagée dans les premières et dont les masques seront en partie fabriqués dans des entreprises adaptées et Esat, redonnant ainsi de l'activité à un secteur qui a souffert durant le confinement (déjà en vente sur le site d'Odiora). Deux autres prototypes pourraient également être très prochainement validés par la DGA.
Bientôt dans le commerce
La fabrication à grande échelle peut être lancée, pour répondre, notamment, à la demande des entreprises, de la Ville de Paris, du ministère des Armées, mais aussi des particuliers qui peuvent passer leurs commandes sur les sites des fabricants. Pour Céline Poulet, l'objectif est de « pouvoir en trouver assez rapidement dans les réseaux de distribution ordinaires pour que tout le monde en porte ! ». Dernière étape, intégrer les masques fenêtres dans la note interministérielle précisant les catégories de masques grand public. Le secrétariat général du Comité interministériel du handicap salue une « avancée majeure en France » dont il compte bien faire la « promotion ».
Des masques transparents
Des masques totalement transparents sont également dans les tuyaux. Début juillet, la FDA (Food and drug administration) qui a la charge d'autoriser la commercialisation des médicaments aux États-Unis, annonce la mise sur le marché du « premier masque transparent doté de filtres à charbon N99+ approuvé, avec une fonction d'auto-purification à l'aide de la lumière UV-C », appelé LEAF Mask. Mais la France se sent, elle aussi, capable de relever un tel défi. Deux autres dispositifs innovants cherchent à se faire reconnaître : le premier, c'est Civility mask qui, en dépit de son nom, est un pur produit « made in France ». Décliné en 12 couleurs, il est en plastique dur, ultraléger, lavable et confortable. Le second est une visière innovante, Vuzair, qui, en plus de protéger le visage et les yeux, permet, par un ajout de tissus, de protéger les voies respiratoires.
Une innovation pour tous
Si ces outils sont principalement dédiés aux personnes rencontrant des difficultés de communication, ils séduisent également les pro de la petite enfance, les orthophonistes… « Mais lorsqu'on voit le nombre de personnes qui baissent leur masque pour se parler, on se rend compte que le potentiel de tels produits est énorme, se satisfait Céline Poulet. On a besoin de voir le visage de l'autre pour bien le comprendre ». Cette nouvelle habitude va certainement s'inscrire dans le temps, durant des mois, voire des années et, pour qu'ils soient pleinement tolérés, ces dispositifs doivent être acceptables, confortables et limiter les contraintes. « Ce n'est certainement pas un produit de niche », poursuit-elle. Comme souvent par le passé, le handicap peut être un formidable promoteur d'innovations conçues à l'origine pour une minorité -on pense toujours à la télécommande- qui finissent par s'imposer dans la vie du plus grand nombre…
Crédit photo : Greta Ventura pour Odiora