90 % des entreprises affirment prioriser la diversité or 4 % seulement mènent des actions en faveur des travailleurs handicapés. Celles qui continuent d'ignorer cette forme de diversité ont été épinglées par le #DIVERSish, « ish » étant un suffixe anglais que l'on peut traduire par « à peu près ». Entre les intentions et les actes, un trou béant ! Une vidéo sarcastique illustre cette « hypocrisie » (ci-contre, en anglais).
Des mastodontes du CAC 40
Fort de ce constat, des chefs d'entreprise du monde entier ont décidé de se mobiliser, mettant en marche une « révolution » au cœur de leur Comex (comité exécutif). Réunis sous la bannière « The Valuable 500 » (qui signifie « de valeur »), ils ont pour credo : « Si le handicap n'est pas à l'ordre du jour de votre conseil, la diversité non plus, pas plus que l'innovation, la productivité, l'expérience de la marque, le talent, le risque, la réputation… ». Cette campagne inédite a été lancée officiellement en janvier 2019 lors du Forum économique mondial de Davos et entend « faire avancer les choses en matière de handicap dans l'entreprise, aller au-delà du simple engagement et demander que des actions concrètes soient discutées lors des conseils d'administration ». A sa tête, Caroline Casey, une « serial entrepreneuse », soutenue depuis le début par des grands noms du « business world » tels que Richard Branson (Virgin, photo ci-dessous) ou encore Paul Polman (Unilever).
320 multinationales en cours de signature
Elle a mobilisé pour le moment une centaine de multinationales ayant plus de mille salariés (certaines figurant au CAC 40), tandis que 320 seraient en cours de signature. Selon elle, « le handicap ne doit plus être un sujet qu'on laisse aux bons soins de missions diversité et inclusion, loin des regards des directeurs de nos entreprises, caché sous de nombreuses couches hiérarchiques, mais doit être discuté par les dirigeants, en se focalisant sur les talents et compétences ». Pour le moment, seules trois entreprises françaises se sont jointes au mouvement… D'autres vont-elles se mobiliser d'ici le prochain sommet de Davos en janvier 2020, qui doit permettre de faire un point d'étape sur cet engagement ? Accessoirement, 1,3 milliard de personnes vivent en situation de handicap dans le monde, avec un pouvoir d'achat estimé à 8 000 milliards de dollars. Les prendre en compte, c'est aussi faire fructifier son business !
Pour en savoir plus, 6 questions à Delphine Leveneur…
Handicap.fr : A quel titre intervenez-vous dans cette campagne ?
Delphine Leveneur : Je suis consultante handicap senior au sein du Business disability forum, une ONG basée au Royaume-Uni qui, depuis trente ans, accompagne les grandes entreprises pour développer et améliorer leur approche en termes de handicap, en interne en faveur de leurs employés et en externe dans leurs relations avec leurs utilisateurs, clients, fournisseurs… Notre forum est l'un des partenaires experts de la campagne #TheValuable500, aux côtés d'autres ONG spécialisées sur cette question.
H.fr : Pourquoi si peu d'entreprises françaises ?
DL : A ce jour, elles sont seulement trois : Atos, AXA et Sanofi. D'autres ont entamé le processus de signature mais les process en interne peuvent être longs !
H.fr : Les PDG français ont-ils été interpellés ?
DL : Pas spécifiquement. Ces 365 jours sont passés très rapidement et les efforts de la campagne se sont focalisés sur les pays qui ont manifesté un intérêt lors de son lancement : Royaume-Uni, Irlande, États-Unis, Israël, Australie, Bahreïn, Danemark, Egypte, Inde, Japon et Suisse. A ce jour, plus de 20 pays sont représentés, et il n'est pas trop tard pour inciter les entreprises françaises à s'engager.
H.fr : Le 13 novembre 2019, 100 grands patrons français ont paraphé une charte en faveur de l'emploi des personnes handicapées (article en lien ci-dessous). Vont-ils être sollicités ?
DL : Oui, nous échangeons actuellement pour essayer de les rallier et discutons de l'impact que leurs organisations peuvent avoir au-delà de la France.
H.fr : Sur le papier, les engagements paraissent toujours fermes et sincères mais, dans les faits, les promesses peinent à se concrétiser. En quoi ce mouvement serait-il différent ?
DL : Il incite vraiment les PDG à s'approprier cette question. Un rapport commandé par Valuable 500 révèle la sous-représentation des personnes en situation de handicap au sein des directions des grandes entreprises. Si 1 personne sur 7 dans le monde vit avec un handicap, seule 1 sur 14 fait partie des comités exécutifs, et cela reste tabou dans de nombreuses multinationales. Or ce n'est pas un sujet sur « les autres » mais bien sur « nous » (et donc sur eux aussi !). L'expression « rien pour nous sans nous » est de plus en plus utilisée pour refléter cette prise de conscience. Depuis 30 ans, l'audace de certains leaders a joué un rôle crucial dans les changements sociétaux, il serait temps qu'elle se manifeste aussi dans le champ du handicap. Quelques-uns l'ont compris alors pourquoi se priver d'un vivier de talents peu exploité lorsqu'on veut innover et être leader dans son secteur ? Enfin, de nombreuses compagnies souhaitent répondre, à l'horizon 2030, aux 17 engagements de développement durable portés par les Nations unies, et le handicap est transverse à plusieurs d'entre eux. Pour atteindre ses objectifs, l'entreprise devra aussi se montrer active dans ce domaine.
H.fr : La problématique emploi et handicap est-elle différente selon les pays ?
DL : Le contexte culturel varie mais de nombreuses barrières sont communes. La réalité du terrain montre que, partout dans le monde, les personnes en situation de handicap font partie des plus vulnérables et de ceux en situation de pauvreté / précarité. Une des raisons (non exhaustive !) est, bien sûr, le manque d'accès et de maintien dans l'emploi. Et c'est là que les entreprises (et leur leadership !) peuvent avoir un impact direct et participer directement à l'amélioration des conditions de vie de milliards d'entre elles.