700 000 jeunes aidants accompagnent régulièrement (au moins) un proche en situation de handicap, maladie ou perte d'autonomie, en France. Un chiffre vraisemblablement sous-estimé, notamment parce que la frontière entre solidarité familiale et rôle d'aidant est parfois mince. Une thèse de doctorat de psychologie* estime leur nombre à 17 % au lycée, soit environ quatre élèves par classe. Qui sont-ils ? Comment les identifier et, surtout, les accompagner ? L'association Handéo entend répondre à ces questions dans un guide de 51 pages (en lien ci-dessous). Au sommaire : des témoignages, des conseils pratiques, des lieux ressources et des solutions de soutien.
Des effets délétères sur l'état de santé global
Ce guide a pour objectif de donner des points de vigilance et de fournir des repères et des pistes d'action à toute personne qui serait amenée à interagir avec des jeunes aidants et/ou leur famille. « Parce qu'il s'agit avant tout d'enfants, d'adolescents, voire de jeunes adultes, l'aide qu'ils apportent peut avoir des effets parfois ambivalents sur leur santé physique et psychique, leur scolarité, leur insertion professionnelle et, plus largement, leur devenir », explique-t-il en préambule. Epuisement, altération de la vie privée et sociale, sans compter les risques musculosquelettiques liés aux transferts... Cet investissement peut également affecter le sommeil et entraîner des troubles de la concentration, une irritabilité et même de l'anxiété ou des épisodes dépressifs. « L'impact peut être d'autant plus important quand les gestes touchent à l'intimité de personnes adultes », précise le guide.
D'autres conséquences, pas nécessairement liées à l'aide apportée, peuvent apparaître, comme le fait de se sentir délaissé ou de recevoir moins d'attention, ce qui peut produire des ressentis de mise à l'écart, de non-reconnaissance, voire des carences en termes de bien-être psychosocial, de qualité de vie et de développement.
Les sortir de l'ombre
En raison du manque de visibilité sociale de ces jeunes, ces risques peuvent être accrus par l'absence de soutien ou d'actions de prévention. « Notre société leur offre difficilement des espaces d'expression. Notre environnement les rend tellement invisibles qu'éclairer leur situation s'impose », estime Emeric Guillermou, président de Handéo, affirmant qu'ils ont urgemment besoin d'être « vus, compris et soutenus ». Selon lui, ce livret « ouvre la perspective d'organiser autour de ces piliers familiaux une solidarité organisée tout en les sortant d'une solitude rangée à l'ombre des regards ».
Mais aussi des aspects positifs
Mais ce rôle peut également revêtir des aspects positifs. Ainsi, les jeunes aidants ont souvent une plus grande capacité de résilience, une maturité accrue, un sens des responsabilités, une meilleure capacité d'adaptation et d'autonomie, un développement des compétences sociales et des qualités humaines (écoute, tact, empathie, attention à autrui, etc.), voire un sentiment d'utilité et d'accomplissement... A condition qu'ils soient « valorisés dans leur statut d'enfant », souligne le guide. « Aujourd'hui, de quoi j'ai besoin ? De pouvoir alléger la charge de ma mère... En fait, moi, je n'ai besoin de rien, juste que des personnes extérieures s'occupent d'elle pour que je puisse plus m'occuper de mes loisirs, avoir plus de temps pour moi. Il faudrait plus d'auxiliaires de vie et puis, au niveau scolaire, j'aimerais bien que l'on soit plus tolérant avec moi », exhorte Julie, 15 ans, dont la mère a un handicap moteur.
Quels soutiens ?
Pour sensibiliser les jeunes sur l'impact que peut avoir cette aide et leur présenter les soutiens proposés, des associations organisent des ateliers et autres rencontres. Le site « Fil santé jeunes » propose également une cartographie des maisons des adolescents et des fiches métiers de professionnels qui pourraient être utiles, ainsi qu'un numéro d'écoute anonyme et gratuit (0 800 235 236, joignable 7j/7 de 9h à 23h). De même, l'association Jade offre des ateliers cinéma-répit gratuits pour leur permettre de souffler, ainsi qu'une ligne nationale qui vise à répondre à toutes leurs questions (07 67 29 67 39, de 8h30 à 18h30) et à celles de leur famille. En complément, selon les situations, le soutien d'un médecin, d'un psychologue ou encore d'un travailleur social peut s'avérer pertinent. Quoi qu'il en soit, le mutisme et le repli sur soi ne sont pas la solution !
* Jarrige, E. Facteurs associés à la santé mentale et à la qualité de vie des jeunes aidants : étude du fonctionnement familial, des stratégies de coping et de l'empathie. Etude ADOCARE. Thèse de doctorat de psychologie, Université de Paris, 2021