« Être ou ne pas être... handicapé ? » C'est la question centrale du film Simón de la montaña, qui suit les aventures d'un jeune argentin de 21 ans et de sa nouvelle bande d'amis « hors normes ». Un long-métrage, lauréat de la 63e semaine de la critique du Festival de Cannes, qui offre une image « brute », authentique du handicap, en salle le 23 avril 2025 (Film "Simón de la montaña" : une image "brute" du handicap). Entretien « rapido » avec son réalisateur, Federico Luis, de passage à Paris...
Handicap.fr : Quel est l'objectif de ce film ?
Federico Luis : Le film emmène le spectateur dans un voyage à travers les yeux et les oreilles de Simón, le personnage principal. Si je devais identifier son but principal, je dirais qu'il s'agit de voir et d'écouter l'autre. « L'autre » au sens large. Un regard suffit à produire un changement dans ce qui est observé. Ce chaos, cette horreur, cette beauté incompréhensible ne sont pas observés de la même façon s'ils n'étaient pas modifiés.
H.fr : L'autre enjeu de cette œuvre est de réinterroger la notion de normalité.
FL : Totalement. Il faudrait commencer par abandonner le mot « différent ». Différent par rapport à quoi ? « Différent » induit l'idée d'un autre qui serait normal. Le différent et le normal : il est temps d'arrêter de recourir à cette idée tellement binaire de la nature humaine.
H.fr : Vous n'êtes pas non plus un « aficionado » du terme « handicap »...
FL : En principe, bon nombre des artistes avec lesquels j'ai travaillé dans Simón de la montaña m'ont fait penser que le mot handicap (du moins en espagnol) est un mot que nous pourrions remettre en question. Parce que la définition par l'absence n'est pas aussi intéressante que la définition par la présence. Je pense que le mot « handicap » produit une idée binaire et capacitiste qui nous empêche de voir les nuances et les spécificités de chaque personne.
H.fr : Quel terme utilisez-vous dans ce cas ?
FL : Celui que nous cherchons est un mot qui nous permet de renverser tout le sens que le mot « handicap » invente, afin d'envisager cette particularité comme un pouvoir et non un déficit. Nous préférons parler d'« hyperperception ». En ce sens, le handicap ou l'hyperperception serait très proche du geste artistique : se consacrer à percevoir intensément, s'efforcer de construire un autre regard.
H.fr : Un autre film sur « l'hyperception » en « projection » ?
FL : Le prochain film que je suis en train d'écrire s'intitule The dog trainer (Le dresseur de chiens) et parle d'un homme complètement immobile qui, du fait de son immobilité, a une capacité remarquable à observer avec précision et attention. Il a ainsi fait des découvertes très novatrices dans le domaine du dressage des chiens de la race Berger belge malinois, qui sont utilisés par les armées nationales.
H.fr : Quelle est la perception de la société argentine vis-à-vis du handicap ? Le gouvernement s'engage-t-il en faveur de l'inclusion ?
FL : C'est curieux parce que je peux mentionner beaucoup de différences entre la France et l'Argentine, dans beaucoup d'aspects et de domaines. Cependant, sur cette question, je trouve plus de similitudes. Je pense qu'il y a beaucoup de place pour l'amélioration de la part des institutions publiques dans les deux pays.
© Affiche du film
Federico Luis : cinéaste argentin qui interroge la normalité
Dans le film "Simón de la montaña", en salle le 23 avril 2025, Federico Luis remet en cause les notions de "normalité" et de "handicap", via le personnage de Simón qui franchit sans cesse cette frontière "binaire". Entretien avec le cinéaste argentin

"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"