*Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique
Handicap.fr : Le ministère de l'Education nationale fait savoir que 30 millions d'euros ne seront pas "réclamés" aux universités dans le cadre de leur contribution au Fiphfp pour permettre de financer la sécurité des campus face au risque d'attentat (article complet en lien ci-dessous). Tout d'abord, rappelez-nous la fonction du Fiphfp...
André Montané : C'est l'organisme chargé de collecter les contributions des trois fonctions publiques qui ne satisfont pas à leur obligation d'emploi de 6 % de personnes handicapées. Ces fonds sont ensuite utilisés pour accompagner ces travailleurs dans l'emploi.
H.fr : Mais quel rapport entre la sécurité des universités et l'emploi des personnes handicapées ?
AM : Nous sommes bien d'accord, aucun ! Le Gouvernement se sert là où il estime qu'il y a de l'argent. Mais ce n'est pas parce que le Fiphfp est un établissement public que l'on peut, avec une méconnaissance surprenante de la réalité de sa situation et de sa trajectoire financière, prélever de l'argent sans se soucier des conséquences.
H.fr : Quelle est votre réaction en tant que président du Fiphfp ?
AM : Officiellement, nous ne sommes même pas au courant. Nous l'avons appris par le bouche à oreille et voie de presse. C'est la surprise de la rentrée ; nous sommes attentifs et vigilants.
H.fr : Dans un article publié dans Libération le 5 septembre 2016, le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem justifie ce choix en affirmant que les réserves du Fiphfp s'élevant à 400 millions cette ponction n'aura pas d'impact sur l'insertion des personnes handicapées. Est-ce vraiment le cas ?
AM : Non, c'est inexact. Aujourd'hui, notre situation n'est plus aussi conséquente car il y a déjà eu de nombreuses ponctions, et notamment 90 millions d'euros sur trois ans, de 2015 à 2017, pour financer les contrats aidés (article en lien ci-dessous). Nous avons participé et participons à des actions expérimentales comme « objectif emploi », nous avons, à la demande de la Conférence nationale du handicap, pris des dispositions innovantes pour l'accès à l'apprentissage des personnes en situation de handicap. Et, surtout, depuis deux ans, nos dépenses (aide apportée aux travailleurs handicapés) sont supérieures à nos recettes (contribution des collectivités). En 2015, les contributions s'élevaient à 126 millions d'euros et les aides versées à 160 millions, soit un delta de 34. Nos réserves, fin 2016, s'élèveront à 141 millions. Nous sommes donc obligés, pour pérenniser notre aide et répondre à notre mission première, de puiser dans nos réserves. Alors si d'autres s'y mettent aussi...
H.fr : Ce qui signifie que, bientôt, le Fiphfp n'aura plus de ressources...
AM : Oui, c'est exactement cela. Nous sommes en fait victimes du bon travail que nous avons réalisé. Le taux d'emploi est aujourd'hui en moyenne de 5.17 % dans les trois fonctions publiques : 4.78 dans celle de l'Etat, 5.41 dans l'hospitalière. Quant à la territoriale, elle a dépassé le taux légal pour atteindre 6.22 %. En l'état, la survie du Fiphfp est estimée à 3 ou 4 ans maximum et c'est pourquoi notre comité national est contraint de repenser tout le système (article en lien ci-dessous). Alors, lorsque j'entends que cette nouvelle ponction n'aura pas d'impact pour les personnes en situation de handicap, je suis, disons, "contrarié". Elles ont droit à leur pleine citoyenneté, qui passe évidemment par l'emploi.
H.fr : Un public qui ne semble pas vraiment prioritaire puisque le comité national du Fiphfp, et par là même votre poste de président, devait être renouvelé en mars 2016, ce qui n'est toujours pas le cas...
AM : Oui en effet, les décrets ont tardé à sortir, comme lors de la dernière mandature d'ailleurs. J'ai annoncé que je ne me représentais pas à ma succession mais, en attendant la mise en place de ce nouveau comité, je joue les prolongations, avec toujours la même conviction qui m'a amené à me présenter en 2014.
H.fr : De quelle manière comptez-vous réagir face à ce nouveau prélèvement ?
AM : Pour le moment, nous ne pouvons rien faire ; il faut déjà que nous soyons saisis "officiellement". Après, on avisera. Je n'ai peut-être pas grand-chose à dire mais je peux me faire entendre quand des données erronées sont avancées. Une chose est sûre, c'est que nous ne resterons pas le petit doigt sur la couture du pantalon !
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