L'allocation adulte handicapé (AAH) sera calculée de façon individuelle, c'est-à-dire sans tenir compte des revenus du conjoint, à partir du 1er octobre 2023, selon un décret publié le 28 décembre 2022 au Journal officiel. "Les principes retenus dans ce décret ont été présentés au CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), qui a rendu un avis favorable lors de sa réunion plénière le 25 novembre 2022", assure le gourvernement. Le Collectif handicaps "salue cette parution" jugée "historique", qui, pour autant "n'épuise pas le sujet des personnes handicapées qui vivent sous le seuil de pauvreté", le contexte actuel ne faisant que "renforcer l'urgence de cette mesure". Les associations regrettent également "l'application tardive au 1er octobre 2023" et le fait qu'elle ne puisse pas être rétroactive au 1er janvier 2023.
Le calcul le plus favorable
Le gouvernement a prévu un dispositif transitoire pour éviter que cette réforme pénalise certains bénéficiaires. Pour les personnes déjà dans le dispositif, le changement de mode de calcul s'effectuera uniquement s'il les avantage, sur la base des calculs effectués par les caisses d'allocations familiales (CAF) ou de la mutualité sociale agricole (MSA). Les CAF et MSA auront à déterminer quels allocataires ont vocation à basculer dans le nouveau système. Une comparaison sera faite à chaque changement de situation, pour vérifier lequel des deux modes de calcul est le plus favorable. Si la déconjugalisation se traduit par une augmentation, les nouvelles règles s'appliqueront, et cela sera définitif, c'est à dire qu'une fois que l'AAH d'un bénéficiaire est déconjugalisée, il ne lui est pas possible de revenir à un calcul conjugalisé. En revanche, pour les nouveaux bénéficiaires dont le droit s'ouvre à partir du 1er octobre, l'allocation sera automatiquement déconjugalisée, sans choix entre les deux options possible.
Des explications à venir...
Parce que le principe peut sembler compliqué, le Collectif handicaps appelle à une large campagne de communication, "accessible et intelligible pour tous", sur les effets de cette réforme, à destination des bénéficiaires actuels comme des potentiels nouveaux allocataires. En effet, l'automaticité de la mise en œuvre de la déconjugalisation risque de ne pas être comprise par tous les bénéficiaires, tandis que les personnes s'étant auparavant vues refuser le versement de l'AAH (du fait du plafond de ressources et de la prise en compte des revenus du conjoint) pourraient ne pas réitérer leur demande, faute d'information. "Pour éviter le risque de non-recours aux droits, des moyens d'accompagnement doivent se déployer", insiste le Collectif. La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) promet d'élaborer un modèle d'explication de la réforme pour avertir les allocataires des conséquences sur leur situation personnelle. Des actions de communication, mobilisant les MDPH, les caisses d'allocations familiales et les associations de personnes handicapées, vont par ailleurs être mises en place pour éviter au maximum le non-recours. "Ce décret est un pas en avant très important vers l'entrée en vigueur d'une réforme attendue, s'est félicité Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées. Nous tenons nos engagements et notre calendrier. Tout est fait pour que sa mise en œuvre opérationnelle soit simple et profite à tous. C'est une question d'autonomie et de dignité".
Une augmentation de 350 euros par mois en moyenne
Avec cette réforme, 120 000 personnes handicapées en couple devraient voir leur AAH augmenter de 350 euros par mois en moyenne, selon le gouvernement. Emmanuel Macron avait promis en avril de « bouger » sur l'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés. Toutefois, son gouvernement et sa majorité avaient rejeté cette proposition plusieurs fois l'an dernier, au grand dam des associations. La République en marche (LREM) jugeait cette mesure inéquitable car bénéficiant aux personnes handicapées sans distinction de revenus. Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler. D'un montant maximal de 956,65 euros mensuels, elle est versée sur critères médicaux et sociaux. Elle compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270 000 en couple, pour une dépense annuelle d'environ 11 milliards d'euros.
En juillet 2022, la Première Ministre annonçait dans son discours de politique générale une "réforme en profondeur" de l'AAH. "Or, force est de constater qu'aucun travail collectif sur le sujet n'a été mené depuis. C'est une grande lacune des travaux préparatoires à la Conférence nationale du handicap", prévue au printemps 2023, conclut le Collectif handicaps.